L'édito de Pascal Boniface

Goldnadel s’inquiète pour les blancs

Édito
4 mars 2011
Le point de vue de Pascal Boniface

Avocat et essayiste, président de France Israël, Gilles-William Goldnadel est considéré comme un militant de choc pro- israélien, et ne refuse pas cette dénomination. Il vient de publier Réflexions sur la question blanche (Gawsevitch éditions) qui pourrait être consideré comme un brulot mais qui est représentatif d’un courant de pensée qui me paraît se renforcer dans notre pays. Je suis en grand désaccord avec la plupart des thèses de Goldnadel. Mais pour avoir écrit un livre débat avec lui (Sans concessions éditions David Reinharc) et à la lecture de son livre, je crois nécessaire, non pas d’écarter mais d’affronter le débat.
Il déplore que le mot race soit devenu tabou et admet que c’est le cas depuis le choc médiatique de la Shoah, responsable de ce qu’il qualifie de xénophilie.
S’il reconnaît que l’Occident a commis de nombreux crimes contre l’humanité, il estime qu’il n’a pas le monopole. Il pense qu’aujourd’hui on reste silencieux devant des crimes dont les occidentaux sont victimes pour uniquement s’alarmer contre ceux commis contre des non occidentaux. On peut au contraire penser que les médias français baignent dans un bain amniotique pro occidental. Entre mille exemples, on connaissait le nombre de victimes américaines en Irak, le nombre de soldats occidentaux tués, on ne s’attarde pas sur les morts afghans et irakiens.

Il serait réducteur de ne considérer la pensée de Goldnadel comme étant uniquement tournée vers la défense d’Israël. C’est en fait un « occidentaliste » affiché qui estime que le monde occidental est en danger, en grande partie parce qu’il a renoncé à se défendre. Goldnadel inclut Israël et les juifs dans le monde occidental. Il reconnaît que c’est un changement les juifs étant autrefois considéré comme des orientaux et sont désormais « blanchis ».

Le juif était auparavant dans le monde occidental au mieux toléré. Après 1970 il sera intégré sous le double effet de la reconnaissance de la Shoah et de la position centrale qu’elle va occuper dans l’espace médiatique et de la victoire de Tsahal dans la guerre des six jours.
Il touche là un point essentiel. Ce qui fait le poids d’Israël et des communautés juives dans la société française et occidentale, c’est ce mélange de culpabilité et de prise en considération de sa force.
Goldnadel estime que l’antisémitisme renouvelé va puiser dans des affrontements israélo-palestiniens sa nouvelle source d’inspiration. Mais n’est-ce pas le contraire, l’occupation, la répression qui a effectivement développé l’antisémitisme dans le monde arabe (qui en était moins affecté auparavant que l’Europe) ? L’antisémitisme ne fait que se surajouter à la détestation de l’homme blanc qui est le produit du traumatisme collectif issu du nazisme.

Goldnadel cite De Gaulle affirmant en 1960 « nous sommes avant tout un peuple européen de race blanche de culture grecque et latine et de religion chrétienne. » Il s’interroge : De Gaulle était-il raciste ? Non il vivait dans les années 50 et 60.Goldnadel a une vision passéiste de la France dont l’évolution de la composition de la population aurait dû s’arrêter dans les années 60. La France est ce qu’elle est justement par ce qu’elle a intégré au fur et à mesure des minorités. Curieuse contradiction, Goldnadel reconnaît qu’à cette époque les juifs faisaient encore l’objet d’un rejet au sein de la nation, ils n’étaient pas considérés comme des « blancs » sociologiquement. Il semble pourtant vouloir y revenir. Ou alors maintenant que les juifs sont parfaitement intégrés ils semblent vouloir fermer la porte aux prochains arrivants. Le problème de l’intégration des nouvelles minorités n’est pas ethnique, il est avant tout social. S’il n’y avait pas un chômage structurel qui frappe en premier lieu les jeunes de la diversité, le problème ne serait pas le même. À ne vouloir donner à la France qu’un visage occidental, en phase avec les orientations diplomatiques de Nicolas Sarkozy, le modèle limite les capacités de rayonnement de la France.

Pour lui, Israël fait l’objet d’une réprobation quasi générale mais tout autre État occidental impliqué dans un différend armé de même nature ferait l’objet d’un a priori négatif. La faiblesse médiatique est inversement proportionnelle à la puissance militaire dont il dispose, le terme Territoires occupés ne concerne pas le Tibet, Chypre ou le Soudan et ne concerne qu’un seul État, celui du juif. Mais on peut lui répondre qu’il y a une différence entre les Territoires palestiniens, dont l’occupation par Israël est illégale et non reconnue, et les autres territoires dont la souveraineté n’est pas contestée.
Par ailleurs, comment ne pas voir à quel point les leaders politiques et éditorialistes vedettes se montrent d’une très grande sévérité et multiplient les condamnations à l’égard des dirigeants chinois pour ce qu’ils font au Tibet, mais ils restent très majoritairement silencieux sur la Palestine ?
Selon Goldnadel, Israël est voué aux gémonies en France. On peut au contraire penser que les responsables politiques, journalistes engagés de façon militante aux côtés de l’État d’Israël, ne voient pas leur carrière compromise. Ce n’est pas le cas de ceux qui émettent des jugements critiques sur le gouvernement israélien, trop souvent qualifiés immédiatement d’antisémites.
 


 

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