L'édito de Pascal Boniface

Israël-Palestine: l’impossible débat

Édito
2 avril 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
Interview de Guillaume Weill Raynal, auteur de "Israël Palestine: l’impossible débat".*
1. On évoque sans cesse « l’importation du conflit israélo-palestinien », vous qualifiez cette expression d’« imprécise et galvaudée », pouvez-vous préciser ce que vous entendez par là ?


En fait, cette expression, si l’on y réfléchit bien, ne veut rien dire. Aucune intifada ne couve ni ne menace d’éclater sur le territoire de la République entre qui que ce soit. Mais précisément, cette hypothèse absurde trahit, au sens littéral, les arrière-pensées de ceux qui font mine de la prendre au sérieux. En réalité, il s’agit pour eux d’empêcher tout débat contradictoire, toute confrontation d’idées. Comme si l’énoncé clair, précis, intelligible et rationnel des griefs que peut légitimement susciter la politique d’Israël équivalait à une « agression ». Dès lors, un simple débat équivaut à « l’importation d’un conflit »….
2. Pensez-vous que le débat sur le conflit du Proche-Orient peut se dérouler, normalement en France ?

Non, malheureusement. Car ceux qui prétendent parler au nom de la communauté juive – le CRIF, notamment – se sont enfermés dans un discours incantatoire déconnecté du réel selon lequel il existerait un lien direct de cause à effet entre le traitement par les médias du conflit israélo-palestinien et des actes criminels hors-normes qui, par nature, ne sont pas représentatifs d’une réalité communautaire. Richard Prasquier n’a pas hésité à faire le lien entre la tuerie de Toulouse et… la diffusion il y a douze ans du reportage de Charles Enderlin sur la mort de Mohamed Al Doura ! A l’automne dernier, le CRIF a déclenché une campagne virulente contre une émission pourtant irréprochable de France 2 « Un œil sur la planète ». Le CRIF reprochait à cette émission son « unilatéralisme anti-israélien » pour avoir osé soutenir la thèse… d’une responsabilité partagée entre les deux camps. Car comme chacun sait, les torts sont tout entier du côté des « Arabes ». C’est presque comique.
3. Comment voyez-vous l’évolution de la société française face à ce débat ?

D’un côté, la communauté juive s’enferme dans une espèce de prison mentale en se délectant de l’idée d’une prétendue détestation universelle d’Israël et des Juifs dans laquelle certains voient la preuve, en creux, d’une sorte d’élection divine. De l’autre, la communauté « arabo-musulmane » ne comprend pas le véritable deux-poids-deux mesures dont fait l’objet, dans certains milieux, le traitement de l’antisémitisme et de l’islamophobie. Il en résulte des sentiments d’animosités bien réels entre les uns et les autres qui donnent aux fantasmes de départ la valeur d’une prophétie autoréalisatrice. Pendant ce temps, l’image d’Israël ne cesse de se dégrader dans l’opinion au sens le plus large (voyez le dialogue « volé » entre Sarkozy et Obama !), mais cette dégradation s’accompagne d’un sentiment d’impuissance et de démobilisation. Claude Askolovitch a osé le dire – en se faisant huer par une partie de la salle – lors d’un colloque du CRIF :" le camp de la guerre a gagné".
* "Israël Palestine: l’impossible débat", éditions Du Cygne, mars 2012, 106 p., 13€
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