L'édito de Pascal Boniface

 Conflit Israël/Palestine : pourquoi tant de réactions irrationnelles ?

Édito
12 mars 2014
Le point de vue de Pascal Boniface
 J’ai reçu à propos de mon dernier livre, "La France malade du conflit israélo-palestinien", le mail suivant. Tout en préservant l’identité de l’auteur (même si ce n’est pas tout à fait un courrier privé puisque plusieurs membres de l’Iris l’ont déjà reçu), je crois intéressant d’en montrer le contenu, extrêmement révélateur. La personne qui me l’a envoyé veut violemment dénoncer mon livre mais en fait en confirme totalement le propos.


En voici le contenu :

"Bonjour

A la FNAC où je cherchais un livre, je tombe sur le vôtre intitulé ‘La France malade du conflit israélo-palestinien’.

De quelle maladie s’agit’il ? Du chômage, de la perte de confiance envers les politiques ? En quoi ces maux sont-ils imputables à une situation bien lointaine et bien éloignée des préoccupations des français ? Est-ce vous qui souffrez ? De quoi ? Que vous ont fait ces israéliens pour que vous les accusiez de votre douleur ? Pauvre Monsieur Boniface, vous êtes un homme souffrant, je compatis mais votre pathologie est toute personnelle et subjective. Elle n’engage en rien la santé de la France ! A quel titre vous octroyez-vous le droit de parler au nom du pays que vous, comme d’autres, habitez ?

L’antisémitisme à peine voilé de votre propos relève effectivement d’une maladie, mentale, vous concernant en propre. Sa nature est de l’ordre de la perversion qui tend à lire les événements et les Autres, sous l’angle de la projection et de la paranoïa.

Cela bien évidemment se soigne. Je vous souhaite de trouver enfin le bon praticien qui vous délivrera de cette souffrance si intolérable que vous l’appliquez de manière aveugle et égocentrique à tous vos concitoyens sans leur demander leur avis !

Salutations révoltées
"

Je n’ai bien sûr jamais dit que ce conflit était le sujet le plus grave qui se pose à la France (cf.http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article9383), mais par contre il est évident que c’est le sujet le plus clivant qui suscite des réactions les plus épidermiques et les plus irrationnelles, comme ce message le montre.

On notera la référence aux troubles psychologiques et à la nécessité de consulter, de plus en plus fréquente chez les ultras pro-israéliens. Une position qu’ils ne partagent pas est pour eux la preuve d’un dérangement mental (autre alternative : être payé par les Arabes). Ils ne conçoivent pas qu’on puisse ne pas partager leur opinion en fonction d’un raisonnement.

Il est également intéressant qu’on me reproche de m’octroyer le droit de parler au nom du pays que j’habite ; il n’en a jamais été question. Je m’exprime en tant que citoyen français et pas au nom de la France, n’ayant aucune responsabilité officielle. Par contre, cette personne ne trouve pas inconvenant de me demander de cesser de m’exprimer dans mon propre pays parce que je critique un gouvernement étranger.

Mais le plus intéressant est l’accusation d’antisémitisme de mon propos car visiblement la personne parle d’un livre qu’elle n’a pas lu et le juge sur le titre (et sur mon nom et ma réputation).

De plus, son langage semble montrer qu’il s’agit d’une personne éduquée, d’un milieu socioculturel relativement aisé. Mais dès qu’Israël est en cause, tous les repères et toutes les barrières tombent. Il n’y a plus de place pour la réflexion, ou le débat contradictoire. On a vraiment le sentiment que la maladie qu’elle attribue est due à un effet de projection.

Sur la plupart des sujets, cette personne a probablement un avis posé, équilibré, elle doit accepter l’argumentation et les avis contraires. Mais dès qu’Israël est en cause, tout change. Elle ne cause plus, elle flingue ! Immédiatement, sans sommation et surtout sans réflexion.

Comme si toute réflexion devait amener à se poser des questions sur le comportement de l’actuel gouvernement israélien, ce qui lui est psychologiquement impossible. Malheureusement, ce type de réactions irrationnelles n’est pas isolé. Et au vu du blocage de la situation au Proche-Orient, elle risque de se développer.
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