L'édito de Pascal Boniface

Christine Ockrent, l’audio visuel extérieur français, le rayonnement de la France.

Édito
15 décembre 2010
Le point de vue de Pascal Boniface

Prise dans la tourmente de la polémique sur un éventuel espionnage à France 24, Christine Ockrent se défend en mettant en avant l’importance pour la France d’avoir un outil de rayonnement culturel audiovisuel. L’argument est imparable. Chacun est conscient du surplus de soft power que CNN a procuré aux Etats-Unis. Tout le monde a en tête l’extraordinaire levier que constitue Al-Jazeera pour le Qatar. La multipolarisation désormais touche les grands canaux d’information. Chinois, Sud-Américains, Britanniques, Allemands et bien d’autres se lancent dans l’aventure. La France ne peut rester à l’écart de ce mouvement.
Si le principe d’une télévision à vocation internationale ne se discute pas, les modalités de sa mise en place posent problème.

La création de France 24 devait renforcer nos moyens d’influence. Malheureusement cette création s’est faite au détriment de RFI et TV5 Monde, instruments très efficaces mais dont l’équilibre a été bousculé.

De quel message France 24 est-il porteur ? Doit-il incarner une spécificité française ou être un canal d’information parmi d’autres, devant effacer au maximum toute coloration française? La nomination au poste de numéro deux du dispositif de la femme du ministre des Affaires Étrangères a beaucoup fait gloser. La justification en était la compétence de l’intéressée. Christine Ockrent a été une excellente présentatrice du 20H jusqu’en 1985. Depuis, si elle s’est constituée un solide réseau national et international, elle a connu plusieurs échecs de l’Européen à l’Express en passant par son émission sur France 3 qui n’a jamais trouvé son rythme et son public.

Dès le départ, cette situation créait un cumul des inconvénients. Dans les autres démocraties occidentales où elle aurait été inenvisageable, cela était perçu comme un manque de déontologie et une exception française peu glorieuse. Par ailleurs cela ne se traduisait pas par un ton spécifiquement français de la chaîne où certains voyaient même un ancrage néoconservateur. Mais le mélange des genres a crée d’autres problèmes peu compatibles avec l’image d’une chaine efficace et rayonnante.

Le limogeage de journalistes compétents et reconnus à l’étranger comme Richard Labeviere (parce que considéré comme pro-arabe, argument un peu contradictoire avec la volonté affichée de conquérir des parts de marché dans le monde arabe et de lancer une chaine en cette langue) ou Ulysse Gosset (pour avoir irrité Bernard Kouchner dans une interview), Bertrand Coq et Grégoire Deniau (qui ont eux aussi irrité le ministre) et l’interdiction faite à la rédaction d’inviter des journalistes de l‘Express après que ce magazine ait publié un reportage critique sur le couple Kouchner – Ockrent, apparaissaient en France et à l’étranger comme une preuve d’intolérance, contraire à ce que doit être un grand média d’un pays démocratique, et abimaient l’image de la chaine. Une gestion humaine jugée catastrophique et hautaine débouchant sur une longue grève à RFI et des départs coûteux, la bataille affichée entre le numéro un et le numéro deux de l’AEF sont venus encore un peu plus ternir l’image de notre dispositif audiovisuel extérieur. C’est justement parce qu’il est important pour le rayonnement de la France qu’il faut prendre une autre direction !
 


 

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