L'édito de Pascal Boniface

La CAN en Guinée équatoriale : c’est l’opportunité de faire pression sur le régime Obiang

Édito
17 novembre 2014
Le point de vue de Pascal Boniface

C’est donc la Guinée équatoriale qui organisera la coupe d’Afrique des nations(CAN) du 17 janvier au 8 février 2015.


La confédération africaine de football (CAF) peut pousser un ouf de soulagement. La compétition aura lieu et elle aura bien lieu sur le continent africain. La solution de repli sur le Qatar aurait été une perte de crédibilité pour la CAF et même pour l Afrique.


Le président guinéen Obiang Nguema n’a pas hésité à envoyer son avion personnel au Caire pour chercher Issa Hayatou afin de pouvoir finaliser l’accord. La Guinée devrait prendre en charge le surcoût de ce changement de pays d’accueil de dernière minute estimée entre 5 et 10 millions de dollars, ce dont elle a largement les moyens.


La Guinée avait déjà co-organisé l’édition 2012 avec le Gabon. Elle l’accueille seule avec deux stades de 45.000 et 15.000 places aux normes FIFA et deux autres à la contenance de 15.000 places. Mais le scénario catastrophe d’un report ou de l’annulation de la compétition ou de sa délocalisation en dehors de l’Afrique est écarté.


Le choix de ce pays pose néanmoins quelques problèmes.


Sur le plan sportif tout d’abord. En juillet 2014, la CAF avait disqualifié la Guinée équatoriale de la compétition qu’elle va accueillir pour avoir aligné dans un match contre la Mauritanie, le 17 mai 2014, un joueur qui n’étaient pas éligible. Il s’agissait d’un Camerounais dont le changement de nationalité au profit de la Guinée équatoriale n’avait pas été reconnu par la FIFA.


C’est donc non pas un pays non qualifié mais un pays disqualifié qui va accueillir la compétition.


La nature du régime pose également problème.


Bien sûr les événements sportifs ne peuvent pas être organisés que dans des démocraties stables et pacifiques. Mais s’il y a des régimes autoritaires qui néanmoins développent leur pays, la Guinée équatoriale et un régime kleptocrate ou le président et sa famille confondent leurs caisses personnelles et celles de l’État .


Grâce à son pétrole, c’est un pays très riche. Le PIB par habitant est extrêmement élevé 15.500 euros, ce qui la place au 52e rang selon le classement du FMI. Malheureusement, ses performances en termes d’indice de développement humain sont nettement moins reluisantes puisque le pays se situe au 136e rang mondial.


Le président Obiang au pouvoir depuis 1979 a été réélu en 2009 avec 97 % des voix. Il y a deux solutions : soit la population lui est particulièrement reconnaissante de sa gouvernance, soit le vote n’a pas été entièrement libre.


Son fils Teodorin semble en tout cas être un habile gestionnaire.


Avec des revenus déclarés de 5.000$ par mois, il a pu se payer un yacht d’une valeur de 380 millions d’euros (trois fois le budget du ministère de la Santé et de l’Éducation de son pays) il a un jet privé de 33 millions, une maison à Malibu estimée à 35 millions et 70 millions d’actifs sur le sol américain.


En France, il a fait l’objet de poursuites dans le cadre de la procédure des biens mal acquis.


Mais l’attribution de la CAN pourrait avoir un effet boomerang pour le régime Obiang.


Jusqu’ici vivant dans une relative discrétion, ne faisant pas de coup d’éclat politique, évitant de contester les pays occidentaux, il ne faisait pas l’objet de grandes campagnes médiatiques contre lui. Seules quelques O.N.G. le mettaient en cause.


Alors qu’il veut accueillir la CAN pour en faire un moment à sa gloire, il va également attirer la lumière sur les aspects contestables, et ils sont nombreux, de son régime.


Lorsque l’on veut grimper aux arbres, il vaut mieux avoir les culottes propres, et l’organisation de la CAN risque de mettre en lumière les dessous les moins reluisants de sa gestion.


On peut se dire que l’essentiel est que la compétition puisse avoir lieu. Dans un deuxième temps, on peut regretter le choix de ce pays pour l’accueillir.


Mais cela peut au contraire constituer une opportunité pour mener une campagne de sensibilisation et de mobilisation afin de faire pression et de dévoiler publiquement les travers graves du régime Obiang.

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