L'édito de Pascal Boniface

Antisémitisme et antisionisme : une confusion malsaine qu’il faut dissiper

Édito
26 septembre 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
Lors des vœux adressés aux responsables communautaires pour le nouvel an juif dimanche 23 septembre à la Grande synagogue de la victoire, Manuel Valls a dénoncé "un nouvel antisémitisme qui se cache derrière un antisionisme de façade" qui, selon lui, aurait pris racine dans notre pays.
 
Le ministre de l’Intérieur a mis le doigt sur une réalité. Mais il en a occulté une partie.
 
Il est vrai que dans certains discours, le terme de "sioniste" a remplacé le terme de "juif" pour des raisons qui n’ont rien de saines. Afin d’échapper à la législation qui pénalise les propos antisémites, certains entretiennent une confusion volontaire entre juifs et sionistes, espérant échapper aux foudres de la loi en utilisant le second terme à la place du premier. On ne parle plus de complot juif mais de complot sioniste. Le terme sioniste est devenu péjoratif, disqualifiant et même injurieux. On entend même parfois "sionnard".
 
Cette confusion est lourde de sous-entendus, de confusion intellectuelle et de conséquences politiques.
 
On peut être sioniste sans être favorable à l’occupation des Territoires occupés palestiniens. Abraham Burg est aussi sioniste qu’Avigdor Liebermann. Ils sont à l’opposé sur l’échiquier politique de la conception de l’État d’Israël, de son insertion dans la région et des relations que l’État d’Israël doit entretenir avec les Palestiniens et les autres peuples arabes. Avigdor Liebermann, même s’il représente une option politique plus importante que celle d’Abraham Burg, n’est pas le dépositaire légitime du sionisme. Abraham Burg l’est tout autant, si ce n’est plus.
 
On peut être sioniste et favorable à la reconnaissance des droits du peuple palestinien. On peut également être favorable à la reconnaissance de ces droits, estimer que les Palestiniens subissent depuis trop longtemps des injustices, mais reconnaître à l’État d’Israël le droit d’exister dans des frontières sûres et reconnues. Au final ceux qui sont favorables à la solution des deux États ne peuvent pas être antisionistes.
 
Il y a une confusion malsaine entre sionisme et hostilité à la reconnaissance des droits du peuple palestinien. Or ils ne sont pas incompatibles. Cette confusion doit cesser. Manuel Valls a raison sur ce point. Mais il ne fait que la moitié du chemin.
 
Car de nombreux responsables institutionnels et intellectuels juifs français qui exhortent tous les juifs à être inconditionnellement solidaires du gouvernement d’Israël ont une grande part de responsabilité dans cette confusion. L’accusation récurrente d’antisémitisme opposée à ceux qui ne font qu’émettre une critique politique du gouvernement israélien crée un amalgame tout aussi funeste et contribue à l’importation du conflit israélo-palestinien en France.
 
Il aurait été pertinent que le ministre de l’Intérieur fasse également ce rappel. De même qu’il est légitime de condamner les appels à la haine anti-juif, il ne serait pas malvenu de cesser d’ignorer les messages haineux qui sont émis par les plus inconditionnels supporters de l’actuel gouvernement israélien sur les réseaux sociaux et parfois même les radios communautaires.
 
Comment par exemple justifier l’inexplicable impunité de la Ligue de Défense juive, régulièrement mise en cause pour des actes de violences à l’égard de personnes qui n’ont pour seul défaut de se déclarer solidaires de la cause palestinienne et dont beaucoup sont par ailleurs juifs ?
 
L’accusation du "deux poids, deux mesures", est délétère pour le vouloir vivre-ensemble dans notre société. Elle gagnerait à être combattue dans les faits. Il y a sur ce point encore du chemin à faire.
 
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