L'édito de Pascal Boniface

 Morts de 3 Israéliens et 7 Palestiniens : le spectre d’un nouveau cycle de violences

Édito
3 juillet 2014
Le point de vue de Pascal Boniface
 L’assassinat de trois jeunes étudiants talmudiques, qu’Israël impute au Hamas, va avoir des conséquences catastrophiques et plonger le Proche-Orient dans un nouveau cycle de violences.
 

Ceux qui ont fait ça ont commis un crime moralement odieux et politiquement criminel. Ils recherchent sans doute la politique du pire et ils risquent fort de parvenir à leurs fins. Quoi que l’on puisse penser de la colonisation israélienne des territoires palestiniens, rien ne justifie de tuer des civils. Mais au-delà de cet aspect moral, les conséquences politiques de ce crime pourraient être terribles pour les Palestiniens.
 

Sur le plan humain tout d’abord, en partant à la recherche des trois disparus et de ceux qui les avaient capturés (avant qu’on découvre les corps et qu’on apprenne qu’ils avaient été tués), Israël a lancé une vaste opération militaire de ratissage en Cisjordanie et de bombardements sur Gaza. Cela a débouché sur l’arrestation de plus de 420 Palestiniens, de nombreuses destructions d’infrastructures et d’habitations et la mort de sept Palestiniens (dont quatre adolescents). Ces opérations vont probablement s’intensifier et le bilan humain sera bientôt bien plus lourd encore.

Sur le plan diplomatique, cela a conduit les pays occidentaux à raffermir leur soutien à Israël au moment où ils commençaient à prendre quelques distances, en mettant par exemple en garde leurs entreprises sur les dangers juridiques à avoir des relations commerciales avec des sociétés israéliennes installées dans les territoires occupés. L’émoi causé par l’assassinat des trois jeunes Israéliens donnent une grande marge de manœuvre à Netanyahou pour lancer les opérations contre les Palestiniens, qui feront un nombre de victimes bien plus important sans risquer d’être trop fortement condamné par les Occidentaux pendant quelques temps.
 

Alors que les Palestiniens avaient enfin formé un gouvernement d’union nationale entre le Fatah et le Hamas mettant fin à sept années de divisions politiques nuisibles à leur cause, c’est de nouveaux une rupture. Mahmoud Abbas est accusé par le Hamas d’avoir abandonné Gaza et d’avoir aidé les forces israéliennes dans la recherche des disparus et des criminels. Le mouvement palestinien va de nouveau se déchirer en interne.

Le très vif émoi causé par ces assassinats en Israël a créé un mouvement de sympathie envers les colons, alors même qu’il commençait à y avoir des questions sur le coût économique et politique à les soutenir. Ils apparaissent collectivement comme des victimes innocentes aux yeux de la majorité des Israéliens. La société israélienne va refaire son unité dans un sentiment collectif anti-palestinien. Les voix modérées sont de plus en plus isolées et le soutien à une politique répressive à l’égard du Hamas qui, de fait, affectera l’ensemble des Palestiniens est de plus en plus grand.
 

On risque donc d’entrer dans un nouveau cycle de violences, de répression et d’attentats. Netanyahou – qui était mis en difficulté par la formation d’un gouvernement d’union nationale entre le Fatah et le Hamas reconnu par les États-Unis et les pays occidentaux – a un boulevard devant lui pour lancer une vaste opération de répression au nom de la lutte contre le terrorisme.

L’histoire enseigne que la répression militaire généralisée n’est pas la meilleure manière de lutter contre le terrorisme mais au contraire de le nourrir. Mais Netanyahou estime que seule la force paie et il devrait réunir autour de lui une vaste majorité de ses compatriotes. Il est probable que les assassins ont agi d’eux-mêmes et que cela ne soit pas une décision politique de la direction du Hamas, on ne voit pas pourquoi ce mouvement aurait accepté un compromis avec l’Autorité palestinienne pour se lancer dans une telle aventure criminelle.

Mais l’histoire enseigne également que dans un conflit, lorsqu’il y a un pas vers le règlement, les plus radicaux essayent par tous les moyens de faire dérailler le processus. C’est sans doute ce qu’ont voulu faire les deux proches du Hamas qui ont tué les Israéliens, empêcher le processus politique de prendre forme et redonner la priorité aux armes et à la violence. Ils risquent d’être servis au-delà de leurs espérances.
 

L’avenir s’annonce très sombre pour la région.
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