L'édito de Pascal Boniface

JO 2024 : Paris peut l’emporter. Mais c’est aux sportifs de porter cette candidature

Édito
24 juin 2015
Le point de vue de Pascal Boniface

La France reste sur trois échecs au cours de ce siècle dans les candidatures à l’organisation de Jeux olympiques : les Jeux d’été Paris 2008 et 2012 et les Jeux d’hiver d’Annecy 2022.


Il ne faut pourtant pas en tirer la conclusion que la France ne peut pas obtenir de victoire dans une candidature à l’organisation de compétitions sportives internationales de première importance.


Elle a par exemple organisé les mondiaux d’athlétisme en 2003, la Coupe du monde de rugby en 2007 et accueillera prochainement l’Euro de football 2016 et la Ryder Cup en 2018. Les candidatures françaises savent donc être gagnantes.


Pour ce qui est des JO de 2008, la candidature de Paris n’avait aucune chance de l’emporter face à celle de Pékin. Le Comité international olympique (CIO) ne pouvait pas refuser au pays le plus peuplé du monde, qui s’était réinvesti dans le mouvement olympique depuis déjà quelques temps, un second refus.


Par ailleurs, la position en flèche de la lutte antidopage de la France en 2001 lui a probablement coûté des appuis. C’est désormais plutôt un élément qui joue en sa faveur. La candidature d’Annecy a, quant à elle, été un imbroglio politique, qui ne pouvait que conduire au désastre. Finalement, le véritable traumatisme vient de l’échec de Paris 2012, candidature perdue à très peu de voix, alors que la France était sûre de sa victoire.


Il n’est pas certain que cette nouvelle candidature pour l’organisation des JO-2024 l’emporte, mais les chances de victoire de Paris sont raisonnables. Ne pas présenter de candidature par peur de l’échec aurait constitué un message particulièrement négatif, envoyé à l’ensemble du monde. Cela aurait donné l’image d’une France qui doute, qui a peur d’elle-même et qui estime ne pas être en mesure d’être compétitive au niveau international.


Il est donc indispensable de présenter une candidature qui aura par ailleurs un effet mobilisateur et fédérateur et fournira un souffle d’enthousiasme collectif dont le pays a bien besoin.


Nous avons appris de nos échecs et les leçons de 2012 ont été retenues. Faire valoir que la France est le pays de Pierre de Coubertin ou qu’elle n’a pas reçu les Jeux d’été depuis 1924 ne sont pas des arguments de nature à nous donner un droit automatique à les organiser pour 2024.


Contrairement à 2012, c’est désormais le mouvement sportif qui est à la tête de cette nouvelle candidature et non pas les responsables politiques.


En accord avec Denis Masseglia, le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), la candidature est portée par le couple formé par Bernard Lapasset, un dirigeant sportif mondialement respecté, tout à fait à l’aise en anglais et qui s’y connaît en stratégie d’influence – il a notamment réussi à faire inscrire le rugby à sept comme discipline olympique à Rio) et par Tony Estanguet , triple médaillé d’or dans trois Jeux Olympiques différents et tout nouveau membre du CIO.


Symboliquement, l’annonce de la candidature de Paris a été faite lors de la journée olympique, en présence d’un parterre impressionnant de champions, toutes disciplines confondues. Le monde du sport semble donc particulièrement investi et est mis au premier plan.


L’autre membre français du CIO, Guy Drut, est très mobilisé, alors que Jean-Claude Killy ne l’était pas ou ne l’avait pas été pour la candidature de 2012. Les responsables politiques – maire de Paris, président de la République, ministres, président de région, etc. – soutiennent cette candidature, sans pour autant être placés au premier plan.


C’est selon moi la meilleure stratégie à adopter : les sportifs portent le projet tout en ayant la garantie d’un soutien des autorités politiques.


Boston est la ville choisie par le Comité olympique américain. Elle était donnée favorite, notamment en raison de l’importance des droits télés que versent les chaînes américaines. Cependant, la population de Boston est plus que réticente à recevoir ces JO 2024 et le soutien interne n’a cessé de s’amenuiser au fil des semaines.


Un mouvement « No Boston olympics » a même été créé et ne cesse de se renforcer, ce qui n’est pas bien vu par le CIO. Il n’est pas sûr que Boston aille jusqu’au bout de sa candidature ; le Comité olympique américain pourrait même d’ici septembre, choisir une autre ville pour candidater, comme Los Angeles.


Par ailleurs, l’application extraterritoriale de la justice américaine dans les affaires sportives, notamment celle du « FIFA gate », est loin de conduire les membres du CIO à être accommodant et a certainement dû en agacer beaucoup.


Boston n’est pas la seule concurrente de Paris. Bakou, qui vient d’organiser les premiers Jeux européens, pourrait candidater, tout comme Doha. Mais il paraît difficile d’accorder les Jeux 2024 au Qatar si rapidement après la Coupe du monde 2022, elle-même controversée.


Dans la mesure où l’édition 2020 des JO aura lieu à Tokyo, cela renforce les chances d’un pays européen de remporter ceux de 2024. Rome est candidate, mais son dossier n’est pas estimé très solide. La principale ville rivale de Paris sera donc certainement Hambourg.


Mais Paris, à condition que le dossier continue à être piloté avec le même professionnalisme, a de fortes chances de l’emporter.

Tous les éditos