L'édito de Pascal Boniface

Politique étrangère : Hollande rend une copie propre mais modeste

Édito
28 août 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
François Hollande a ouvert la XXe conférence annuelle des ambassadeurs. Créée par Alain Juppé lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, c’est un exercice utile où tous les ambassadeurs de France à l’étranger se réunissent une fois par an, pour échanger leurs expériences, débattre, se coordonner. C’est également l’occasion pour le chef de l’État de donner sa vision du monde et du rôle que la France doit y jouer.
 
François Hollande était attendu dans cet exercice. Les questions stratégiques avaient été largement absentes de la campagne électorale. Dans son (excellent) livre "Rien ne se passe comme prévu" (éd. Grasset), Laurent Binet explique que ce fut un choix volontaire de François Hollande, qui estimait que ces questions n’avaient aucune utilité électorale.
 
Au cours de l’été, Nicolas Sarkozy a attaqué son successeur sur la gestion de la crise syrienne, lui reprochant de n’être pas suffisamment réactif. Cette sortie de l’ancien président avait été jugée maladroite, elle démontrait de sa part une fébrilité. Elle ne tenait ailleurs pas compte des réalités militaires, établissant une comparaison inadéquate entre la Libye et la Syrie.
 
Il a tenu à réaffirmer la prééminence des Nations Unies, indiquant que la France ne participerait pas à des opérations de maintien de la paix ou de protection des populations qui ne seraient pas mandatées par le Conseil de sécurité des Nations Unies. C’est une façon de rejeter les demandes, par ailleurs fantaisistes, adressées par certains pour que la France intervienne militairement en Syrie, malgré le blocage du Conseil de sécurité.
 
François Hollande plaide pour une réforme et un élargissement de ce dernier, mais on peut penser qu’elle n’aboutira pas du fait du blocage russe et chinois et mais aussi américain. Il plaide également pour la création d’une taxation sur les transactions financières qu’il souhaite démarrer dans un cadre européen puis élargir au niveau international.
 
Il reprend le schéma classique pour la France alliée mais non alignée sur les États-Unis. Il émet publiquement pour la première fois des réserves sur le programme de missiles antimissiles américains.
 
Alors que certaines voix s’élevaient pour qu’il ne se rende pas à Kinshasa en République démocratique du Congo en octobre prochain lors du Sommet de la francophonie, pour ne pas cautionner le régime de Kabila, il a annoncé qu’il s’y rendrait mais qu’il verrait le monde de l’opposition et de la société civile et que la francophonie n’était pas simplement une affaire linguistique mais également une communauté de principes et d’idéaux politiques.
 
Sur la Syrie, il a appelé de ses vœux la constitution d’un gouvernement provisoire en promettant une reconnaissance de la France s’il était créé. Cela ne changera bien sûr pas la situation sur le terrain militaire, mais c’est une façon de faire pression sur l’opposition syrienne pour qu’elle s’organise mieux et qu’elle parle d’une seule voix. La division de l’opposition tant sur le plan militaire que sur le plan politique constitue un atout pour Bachar Al Assad. Il a demandé le départ de ce dernier, estimant qu’il n’irait pas de solution politique avec lui.
 
Sur le Proche-Orient, il a été moins clair que Nicolas Sarkozy, pourtant considéré comme l’ami d’Israël. Il n’a pas parlé d’État palestinien, évoquant simplement l’autodétermination pour ce peuple, et s’est contenté de recommander aux Israéliens de reprendre le chemin des négociations, recommandations dont il est peu probable qu’elles soient suivies d’effet. Et Hollande n’a pas dit ce que la France ferait en cas de blocage israélien. Pas un mot sur la colonisation que condamnait Nicolas Sarkozy.
 
Nicolas Sarkozy avait très fortement dégradé les relations de la France avec les pays émergents (Mexique, Turquie et même Brésil), il avait ignoré le Japon. François Hollande a, lui, prôné le renforcement des relations de la France avec ces pays. Dans ce qui peut être considéré comme une innovation, il a mis en lumière les dangers du trafic international de drogue, élevée au rang de défi stratégique et pour lequel il prône une stratégie mondiale de lutte contre le trafic.
 
Le discours de François Hollande a été un discours normal, pour reprendre le terme dont il veut qualifier sa présidence. Contrairement à l’époque de Nicolas Sarkozy, il n’y a pas eu de promesses de grandes réformes internationales ou de refonte du système international dont la France serait le moteur, promesses qui par ailleurs n’ont pas été tenues.
 
Hollande a rendu une copie propre. Il manque peut-être une réflexion d’ensemble sur les marges de manœuvre de la France dans un monde en totale recomposition. Il a abordé les grands sujets du jour, apporté des réponses honnêtes, évitant les grandes envolées lyriques sans rapport avec les réalités stratégiques et l’on peut s’en féliciter. Mais il manque une réflexion approfondie sur ce que pourrait être la spécificité française sur la scène stratégique.
Tous les éditos