L'édito de Pascal Boniface

Israël accueille l’Euro espoirs de foot : va-t-on parler des sportifs palestiniens ?

Édito
5 juin 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
De nombreuses organisations pro-palestiniennes ont contesté depuis le départ le choix d’Israël comme pays hôte du championnat d’Europe des espoirs qui va commencer le 5 juin 2013 et demandent depuis le boycott de cette compétition. Elles estiment qu’Israël, qui ne permet pas aux Palestiniens (qui appartiennent à la zone Asie) de pratiquer normalement activités et compétitions sportives – notamment le football –, ne peut pas être ainsi récompensé.
 
Où sont passés les indignés de Pékin et de l’Ukraine ?

 
Les sportifs ne peuvent se déplacer librement, certains sont emprisonnés. Des adolescents ont été tués par des bombardements pendant qu’ils jouaient au football, les équipements fournis par des donateurs au mouvement sportif palestinien sont souvent bloqués par Israël.
 
On remarquera que certains intellectuels médiatiques qui ont dénoncé la tenue des Jeux olympiques en Chine en 2008 et de l’Euro de football 2012 en Ukraine ou qui contestent celle des Jeux d’hiver de Sotchi pour 2014, sont cette fois-ci silencieux. On remarquera également que les pseudos "sociologues critiques du sport" réclamant systématiquement l’annulation des grandes compétitions sportives internationales – y compris la Coupe du monde en Afrique du Sud ou l’Euro 2016 en France –, sont également parfaitement muets sur cette compétition précise, dévoilant leur fond idéologique néo-conservateur que masque mal une rhétorique confusément gauchisante.
 
Pour ma part, j’applique le même type de raisonnement à l’Euro espoirs qui doit se tenir en Israël que pour les autres compétitions sportives pour lesquelles un boycott était demandé. Je me détermine en fonction de principes et non en fonction des pays concernés.
 
L’indifférence de l’UEFA envers la Palestine

 
Il est illusoire de penser que l’UEFA changera sa décision. On peut regretter ce choix, déplorer qu’il n’ait pas été conditionné par la fin des restrictions des droits des sportifs palestiniens. Il aurait fallu pour cela un événement extraordinaire par rapport aux pratiques quotidiennes de l’occupation. On peut d’ailleurs remarquer que seule la moitié des pays membres de l’UEFA présents aux Nations unies avait approuvé l’admission de la Palestine à l’ONU, s’exprimant ainsi de façon bien différente des autres pays membres de la FIFA.
 
Au niveau mondial, il y eut un fort soutien pour l’admission de la Palestine, au niveau européen vote positif d’un côté, abstentions et vote négatif de l’autre s’équilibraient à peu près.
 
Peut-on demander aux équipes qualifiées de boycotter l’épreuve ? Non. Pourquoi punir ces jeunes sportifs et pourquoi faire porter le poids d’un éventuel boycott uniquement sur eux ? C’est une solution de facilité qui est souvent suggérée par des gens qui ne prennent pas le sport en considération ou qui le méprisent. Relations politiques, commerciales ou économiques devraient se poursuivre normalement, seul le domaine du sport serait traité à part. Cela n’a pas de sens.
 
Une occasion en or de dénoncer les pratiques d’Israël envers les Palestiniens

 
Il faut au contraire profiter de la tenue de l’Euro en Israël pour rendre publique la situation des sportifs palestiniens et pour obtenir d’Israël la fin des restrictions aux libertés de circuler qui affectent les sportifs.
 
Le cas du footballeur Mahmoud Sarsak, arrêté alors qu’il se rendait à un match, emprisonné pendant trois ans, libéré après une longue grève de la faim, a déjà reçu un certain écho. La réception de l’Euro espoirs braque les projecteurs sur Israël, il faut que les zones d’ombre de l’occupation militaire soient mises en lumière. Il ne faut pas boycotter l’Euro, il faut en faire une caisse de résonance.
 
Il y a deux ans, Michel Platini avait évoqué la possibilité de la remise en cause de la présence d’Israël au sein de l’UEFA, si les envois d’équipements sportifs que cette organisation avait fait en direction des Palestiniens étaient toujours bloqués à la frontière (comme toujours "pour des raisons de sécurité" : sans doute Israël soupçonnait l’UEFA de faire passer des explosifs à travers les ballons et filets de buts). Dès le lendemain, Israël avait levé les obstacles. Platini avait donc réussi à obtenir plus que Barack Obama.
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