L'édito de Pascal Boniface

Un prix financé par la Guinée équatoriale : honte à l’Unesco !

Édito
17 juillet 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
Je pense que l’Unesco est une institution indispensable, l’une des plus utiles dans le système international actuel. Aussi, je suis d’autant plus déçu et en colère lorsqu’elle donne des arguments à ses adversaires en se comportant mal.
 
L’opposition de la directrice générale de l’Unesco, Madame Irina Bokova, du prix Nobel de la Paix sud-africain, Desmond Tutu, des pays occidentaux et de nombreuses ONG de défense des droits de l’homme n’ont pas suffi. Aujourd’hui, l’Unesco va remettre le "prix Unesco Guinée équatoriale pour la recherche en sciences de la vie".
 
Le conseil exécutif de l’organisation qui regroupe 58 nations a voté en faveur de la création de ce prix, grâce au soutien de la plupart des pays africains et arabes et à l’appui du Brésil et de la Russie.
 
La Guinée équatoriale a le PIB par habitant le plus élevé d’Afrique avec environ 36.600 $ par habitant. Elle se situe au 28e rang mondial ce qui la place au-dessus de Hongrie ou de la Pologne. Le problème est que cette moyenne ne représente rien. La population est démunie, la clique au pouvoir accapare la richesse nationale. En terme d’indice de développement humain, la Guinée occupe la 136e place sur 187 pays participant à ce classement.
 
Le président Teodoro Obiang Nguema avait proposé ce prix doté de 3 millions de dollars à fin de récompenser les chercheurs africains en sciences de la vie.
 
Son fils défraie en ce moment la chronique en faisant l’objet d’un mandat d’arrêt de la justice française pour blanchiment, abus de biens sociaux et abus de confiance.
 
Quelques jours après la saisie par la justice française de ses véhicules de luxe, son père avait voulu le nommer délégué permanent adjoint de la Guinée équatoriale auprès de l’Unesco afin de lui obtenir une immunité diplomatique.
 
L’indicateur de liberté politique établie par l’ONG "Freedom House" qualifie le pays de non libre, avec la pire note possible correspondant au plus bas degré de liberté politique. "Reporters sans frontières", qui établit un indicateur de la liberté de la presse, classe le pays 161e sur 179.
 
La détention illégale d’opposants, la corruption et même les faits de torture sont régulièrement reprochés au pouvoir.
 
Ce prix est donc destiné, à peu de frais, à restaurer l’image du régime équatorien.
 
C’est une opération classique de manipulation de l’information où un gouvernement, par une action jugée vertueuse, tente de masquer l’ensemble de ses comportements critiquables ou détestables. La manœuvre est trop visible pour n’être pas remarquée. L’Unesco, dont le rôle est si important, se fourvoie en acceptant cette mascarade.
 
Seul point positif, ce prix a un effet contre-productif pour le régime. Il a été créé pour lui donner une image positive, il aura surtout permis de donner un coup de projecteur bienvenu sur ses aberrations.
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