L'édito de Pascal Boniface

Le football français contre la taxe à 75% : une erreur politique et de communication

Édito
2 octobre 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
Dans un communiqué commun, Frédéric Thiriez, Jean-Pierre Louvel et Philippe Piat, présidents respectivement de la Ligue de football professionnel (LFP), de l’Union des clubs professionnels de football (UCPF) et de l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP) déplorent la taxe de 75% sur les hauts revenus figurant dans le projet de budget 2013 et estiment qu’elle aura un effet désastreux sur la compétitivité du football français.
 
Ce qui est certain, c’est que leur communiqué va avoir un effet désastreux pour l’image du football professionnel.
 
Je me suis souvent élevé contre les attaques injustes portées par une partie des élites politiques et médiatiques françaises contre le football en France. Mais cette fois-ci, ce sont les représentants du football professionnel qui commettent une erreur politique et de communication.
 
Erreur politique : peuvent-ils croire un instant que le gouvernement va accéder à leur demande au moment où 20 milliards d’impôts supplémentaires sont demandés à la nation, dont 10 pour les particuliers ? Comment croire qu’on puisse faire échapper les plus hauts salaires du football professionnel à cette tranche d’impôts ? Le gouvernement n’accèdera jamais à cette demande qui est donc vaine.
 
Erreur de communication : une majeure partie de l’opinion estime que les footballeurs sont trop payés. Il y a certainement une pédagogie à faire en expliquant que les footballeurs ne décident pas de leur salaire. Il est le reflet de la loi du marché. Il est logique de s’étonner qu’on critique plus facilement les revenus des footballeurs que des chanteurs, comédiens ou joueurs de tennis. Mais demander à ce que les footballeurs soient imposés à un taux différent que les autres contribuables, c’est contribuer à prendre les risques de les stigmatiser un peu plus.
 
C’est parfaitement incompréhensible et inacceptable pour la majeure partie de l’opinion. Cette proposition risque d’entériner l’accusation, par ailleurs fausse, d’un football professionnel coupé des réalités sociales.
 
 
Les charges des clubs vont-elles être augmentées ? Seulement ceux qui ont promis des salaires nets d’impôts à leurs joueurs. Cela concerne avant tout le Paris-Saint-Germain qui a décidé des salaires d’Ibrahimovic et de Thiago Silva alors que la taxe de 75% était déjà annoncée, et dont les dirigeants ont eu le flair de ne pas critiquer publiquement la fiscalité française.
 
Sinon, la contribution ne pèsera non pas sur les clubs mais sur les footballeurs comme pour les autres contribuables. Certains feront-ils le choix de partir à l’étranger pour échapper à cela ?
 
Il faut d’abord savoir qu’il n’y a que quelques dizaines de footballeurs qui peuvent être atteint par cette mesure en touchant plus d’un million d’euros par an, que la taxation ne se portera que sur la somme supérieure à un million et qu’il n’est pas certain, dans l’état actuel des championnats espagnols, portugais ou italiens qu’ils soient bien plus accueillants. L’immense majorité des footballeurs professionnels n’est pas concernée par cette mesure.
 
Au moment où certains sont tentés de célébrer les sports olympiques et de les opposer au football, cette initiative n’est pas la plus opportune. Au moment où le football subit des attaques excessives et injustes générées par son succès, sa visibilité et son caractère populaire, les instances du foot professionnel auraient été avisées de faire profil bas sur un dossier indéfendable devant l’opinion, qui n’aura pour effet que de susciter de nouveaux reproches pour le football.
 
Fort heureusement, la Fédération française de football (FFF) a eu la sagesse de rester à l’écart.
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