L'édito de Pascal Boniface

« Criminologie, la dimension stratégique et géopolitique » – Trois questions à Xavier Raufer

Édito
2 janvier 2015
Le point de vue de Pascal Boniface

Xavier Raufer est docteur en géographie/géopolitique à l’université Paris-Sorbonne ainsi que directeur des études au département de recherche sur les Menaces Criminelles Contemporaines (MCC) à l’Université Paris II – Panthéon-Assas. Il est également conseiller éditorial aux éditions Odile Jacob et auteur de nombreux ouvrages consacrés à la criminalité et au terrorisme. Il répond à mes questions à l’occasion de son dernier livre « Criminologie, la dimension stratégique et géopolitique», paru aux éditions Eska. Il répond aux questions de Pascal Boniface.


Vous allez à l’encontre de l’idée selon laquelle le terrorisme serait la menace majeure pesant sur notre sécurité…


D’abord, ceci. Mon diagnostic est sans intention ultérieure. Il résulte de ce que je vois et écoute : mon expérience plus mon intime conviction. Ce diagnostic ne vise ni à plaire ni à déplaire ; à favoriser ceci ou empêcher cela. Le docteur dit : « vous avez la grippe », car tel est son diagnostic. Il se moque du fait que vous soyez de droite ou de gauche, croyant ou pas – eh bien moi, pareil.


Allons aux faits. L’évolution du terrorisme en Europe émane de l’unique source indéniable, le TE-SAT Terrorism Trend Report 2014 d’Europol, qui compile les statistiques officielles des 28 Etats-membres de l’Union européenne.


Bilan pour 2013 (dernière année complète et connue) :


• Terrorisme jihadi-islamiste en Europe : zéro attentats


• Terrorisme néo-fasciste ou nazi en Europe : zéro attentats


• Toute l’Europe, hors Corse et Ulster : 7 (sept !) attentats et tentatives


Au total – 28 pays, 500 millions d’habitants – 91 attentats ou tentatives pour TOUTE l’Union Européenne, dont 58 en Corse. Soit ± 0,0000002 attentat ou tentative par an et par citoyen de l’UE. Où est le cataclysme ?


En France comme ailleurs en Europe, se multiplient en revanche des proto-attentats commis par des instables, Breivik, Merah… plus, tous ceux ayant agi fin 2014. Caractéristique de TOUS ces individus jusqu’à ce jour : soit ils sont isolés, soit pris dans ce que la psychiatrie nomme un « délire à plusieurs » (un proche, une relation sous emprise mentale, etc.) phénomènes plus proche de la micro-secte que de l’organisation terroriste.


Voilà le grand mot lâché : or-ga-ni-sa-tion. Ce qui disparaît d’Europe, c’est le terrorisme des organisations terroristes. Le terrorisme comme méthodologie poursuit sa dégénérescence entamée à la fin de la Guerre froide. Idéologique avant la chute du Mur, il est ensuite récupéré par des gangsters (attentats de la mafia sicilienne contre des magistrats, etc.) puis désormais par des débiles mentaux.


A ce jour, nul attentat commis par ces fameux rentrants-du-jihad, autour desquels un tourbillon de mythomanes, de politiciens impopulaires et de journaux en faillite nous fait une crise d’hystérie depuis le printemps 2014. Tous (sans exception) les actes recensés sont en revanche commis par divers « recalés du jihad », voyous, aventuriers, illuminés, débiles légers etc.


Les actes qu’ils commettent sont affreux, condamnables et à juste titre, la population s’en inquiète – mais ils n’ont nulle dimension stratégique. Breivik massacre des dizaines d’adolescents norvégiens : quoi ensuite ? Rien. Une souffrance sans fin pour des parents, voilà tout. Idem pour l’école juive de Toulouse.


Les politiciens semblent désormais incapables de distinguer entre Napoléon et un fou se prenant pour Napoléon. Quel rapport en effet entre l’attentat (stratégique) du 11 septembre, trois ans d’intense travail pour une « PME terroriste » de trente à cinquante personnes ; et l’horreur de l’école juive de Toulouse, commis par un Merah parti tuer un militaire et ouvrant le feu sur des enfants, geste « qu’il n’envisageait pas lui-même, deux minutes auparavant » ?


Le diagnostic a ceci de crucial qu’il empêche l’erreur de traitement. Or l’actuel gouvernement, peu compétent, ne voit pas clair dans ces affaires. D’où son affolement.


Vous estimez que la délinquance financière peut avoir des conséquences bien plus catastrophiques


Disons plutôt la criminalité financière. Un délit, c’est le vol de Carambars à la boulangerie. Là, on parle – répétitivement – du pillage de dizaines de milliards de dollars ou d’euros.


Ce qu’ici constate le criminologue, c’est une hypertrophie du monde financier ayant provoqué un pillage planétaire. Dans une économie financiarisée, une finance hors-contrôle a fini par dicter sa loi à tous, avec la complicité du pays dominant, les Etats-Unis d’Amérique. Ce, en imposant son idéologie, sa vision du monde, sa notion du politique. Car il existe une idéologie de Wall Street que, pour unir symboliquement son principal émetteur et son vecteur majeur de diffusion, j’ai nommé la « Davos-Goldman-Sachs-Idéologie » ou DGSI. Une DGSI qui réclame la « transparence » pour tous et partout – sauf pour elle-même, et qui, par la vertu du soft power (accès + idéologie), est à 100% dans l’impunité.


Cette DGSI sert aujourd’hui de vecteur à des conquêtes bien plus sauvages – et à ce jour impunies, nul dirigeant de la DGSI n’a fait UN jour de prison – que celles jadis opérées par des Conquistadores ou des divisions blindées. Or une large part des méfaits de la DGSI sont d’essence criminelle et donc, intéressent le criminologue.

Vous êtes très sévère sur la presse


La presse en général – bien sûr, non. J’ai grande considération pour le fort ardu métier de journaliste. Dans mon domaine (crime organisé, terrorisme, etc.) je critique en revanche les quotidiens d’information happés par des milliardaires, certains plutôt glauques et tous gagnés à la DGSI ; ces journaux prétendant encore être « de gauche » alors qu’en fait, ils diffusent l’idéologie-DGSI. De cela, un exemple. Comme le milliardaire Soros & co, ces organes de la « gauche du Capital » prônent la dépénalisation des drogues et donc, censurent, depuis trois ans au moins, une réalité avérée par cent sources: la consommation des stupéfiants « classiques », héroïne, cocaïne, amphétamines, cannabis même, baisse – voire s’effondre durablement en Europe. Cette nouvelle n’est pas anodine. Et la censure des quotidiens-des-milliardaires, d’autant plus scandaleuse.


De tous les pays d’Europe, la Grande-Bretagne est d’origine le plus gros usager de stupéfiants, celui d’où émanent des modes et évolutions affectant ensuite toute l’Europe. Or, les courbes de la consommation de drogues en Angleterre, CANNABIS INCLUS montrent une forte baisse de la consommation, notamment chez les 16-24 ans: a-t-on lu cela dans « Le Monde » ou « Libération » ? Bien d’autres données montre que la décrue, plus ou moins forte, est désormais générale en Europe (premier marché MONDIAL pour la drogue).

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