L'édito de Pascal Boniface

L’accord sur le nucléaire iranien peut-il résister à Trump ?

Édito
13 octobre 2017
Le point de vue de Pascal Boniface
Donald Trump doit certifier devant le Congrès que l’Iran respecte bien les obligations auxquelles il a souscrit le 14 juillet 2015, en vertu de l’accord dit 5+1.

En vertu de cet accord, l’Iran s’engage à ne pas se doter de l’arme nucléaire, ouvrant la voie à une levée des sanctions à son encontre. Il permet ainsi d’éviter deux scénarios catastrophes : un Iran qui serait doté de l’arme nucléaire ou une intervention militaire pour l’en empêcher. Quand on voit les catastrophes auxquelles a mené la guerre d’Irak en 2003, on ne peut que se réjouir de voir que l’option militaire, réclamée par de nombreux néo-conservateurs, soit écartée.

Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, qui effectue de nombreuses inspections en Iran, l’accord est respecté. Certes, on peut déplorer que l’Iran soutienne le régime de Bachar al-Assad. D’autre part, si l’interférence iranienne est réelle au Yémen, il est loin d’être le seul pays. En tous les cas, l’accord concernait uniquement le nucléaire et ne portait pas sur le fait que l’Iran mène dans la région une politique attendue – ou non – par les pays occidentaux.

Pourquoi Donald Trump veut-il mettre fin à cet accord ? Il y a d’abord toujours été opposé par opposition à son prédécesseur, Barack Obama. Il estime que ce dernier a fait une erreur en le signant et serait ainsi satisfait de le défaire. Ensuite, tout comme l’establishment américain, les souvenirs traumatisants de la prise d’otages de 1979 et, de manière générale, de la politique anti-occidentale iranienne, ne font qu’accentuer son aversion envers ce pays. Pour une partie des responsables américains, l’Iran n’est pas un pays de confiance. Il doit être au maximum affaibli.

Deux alliés de Donald Trump sont tout à fait hostiles à cet accord : Israël et l’Arabie Saoudite, qui forment un axe de circonstance quelque peu surprenant. S’ils savent pertinemment que l’accord empêche l’Iran de bénéficier d’armes nucléaires, ils craignent sa montée en puissance, rendue possible par les effets d’un accord permettant notamment de dynamiser son économie. Le président Rohani a compris que la puissance passait plus par la levée des sanctions que par l’obtention d’un programme nucléaire, qui pourrait mener le pays à la catastrophe.

Mais si cet accord prend fin, qui en Iran s’en réjouira ? Ce sont les Pasdaran, en particulier, et les clans les plus durs, en général. H. Rohani est lui-même contesté en Iran. Les faucons, qui existent également côté iranien, rejettent également un accord, qu’ils considèrent comme un frein au programme nucléaire.

Il y a donc un véritable danger qui pèse sur la sécurité internationale, aux répercussions non seulement régionales mais également mondiales. Pourra-t-on demander à la Corée du Nord de modérer son comportement alors que les États-Unis reviennent sur cet engagement majeur ? C’est ici la crédibilité américaine qui est en jeu. Et si les États-Unis se retiraient de cet accord, la garantie américaine sur tous les programmes de sécurité collective perdrait en crédibilité. Bien sûr, la Russie, la Chine, la France, l’Allemagne et même le Royaume-Uni de Theresa May – qui ne fait pas preuve d’une indépendance farouche à l’égard des États-Unis – trouvent que cet accord est un bon point d’équilibre, le meilleur possible.

Donald Trump ira-t-il jusqu’au bout de sa démarche ? On peut le craindre. Les bonnes nouvelles venant des États-Unis, sur le plan stratégique, sont, actuellement, plus que rares.
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