L'édito de Pascal Boniface

Le 11 septembre n’a pas changé le monde

Édito
6 septembre 2011
Le point de vue de Pascal Boniface
Selon une conviction largement répandue, le monde aurait profondément changé après les attentats du 11 septembre 2001. Ces derniers auraient modifié en profondeur les structures mêmes de l’ordre mondial. Plus rien ne serait jamais comme avant. C’est une idée reçue, la réalité est toute autre.

C’est en fait confondre le choc causé par ces attentats et leur impact réel sur les équilibres stratégiques.
Bien sûr, aujourd’hui encore chacun se rappelle avec précision à quel moment, en quelles circonstances, à quel endroit, il a appris la terrible nouvelle. Pour chacun l’émotion a été immense. Cet événement a été montré en boucle par toutes les télévisions du monde. L’effet de surprise a été total, les meilleurs scénaristes d’Hollywood n’ayant jamais pu imaginer un tel usage d’avions civils. L’hyperpuissance américaine paraissait invincible et à l’abri de toute menace. Les Twin Towers étaient connues de tous et représentaient le symbole de la puissance économique et commerciale américaine. S’y ajoute l’horreur de la mort de 3 000 innocents dans des conditions atroces. Bref tous les éléments étaient présents pour faire de ces attentats un événement à nul autre pareil.

Mais en déduire qu’il a débouché sur la création d’un monde nouveau, est confondre impact psychologique et conséquences structurelles. Le 11 septembre restera à jamais dans les mémoires, c’est bien sûr un événement historique, il n’a pas pour autant modifié en profondeur les rapports de force internationaux et l’état de la planète. Certes, le monde n’est pas tout à fait le même qu’il y a 10 ans. Mais la plupart des modifications ne proviennent pas du 11 septembre, mais d’autres facteurs. Les États-Unis ont été frappés comme jamais ils ne l’avaient été par une attaque extérieure sur le territoire. On a parlé à l’époque d’un Pearl Harbor terroriste. Mais même cette comparaison était en deçà de la réalité, car Pearl Harbor n’est pas située sur le territoire continental américain et son attaque n’avait pas été diffusée en direct. Il aurait fallu remonter à 1812, lorsque les Britanniques ont voulu brûler la Maison-Blanche pour avoir une comparaison possible, mais bien sûr, à cette époque, les États-Unis n’avaient pas la puissance qui était la leur en 2011.

Ont-ils été affaiblis ? Non, ils sont restés la première puissance mondiale, loin devant toutes les autres. La place respective sur l’échiquier international de la Chine, de la Russie, de l’Europe, du Brésil, de l’Inde et de tous les autres pays a, certes, évolué depuis le 11 septembre mais pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les attentats. L’émergence de la Chine, du Brésil et de l’Inde n’ont rien à voir avec le 11 septembre. Les grands défis mondiaux, qu’il s’agisse de lutter contre le réchauffement climatique, de réduire le sous-développement, d’améliorer l’état sanitaire de la planète, n’ont en rien été influencés par le 11 septembre.

La guerre d’Irak en été le résultat, mais les Américains auraient pu, et beaucoup de gens l’ont toujours pensé – notamment Barack Obama -, choisir une autre réponse au 11 septembre que la guerre d’Irak. D’ailleurs, les néoconservateurs préconisaient cette guerre depuis 1998. Le 11 septembre n’est pas la cause de la guerre d’Irak mais son prétexte. Cette guerre – et la politique unilatérale de George W. Bush – a contribué au déclin relatif des Etats-Unis. Mais ce déclin relatif n’a été qu’accentué par la politique de George W. Bush. Il tire son origine principale de causes structurelles plus importantes qui tiennent avant tout à l’émergence d’autres grandes nations (Chine Brésil Inde, etc.).

La dernière révolution stratégique qui a modifié l’ordre mondial n’est pas le 11/09, mais le 09/11 (9 novembre 1989), lorsque le Mur de Berlin est tombé. À cette époque, le monde bipolaire, qui avait structuré les relations internationales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a pris fin.

Depuis, un ordre nouveau se bâtit sur des tendances à long terme. Il y en a deux principales. La fin du monopole de la puissance détenu depuis 5 siècles par le monde occidental et la montée en puissance des opinions publiques et des peuples dans la décision internationale.
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