L'édito de Pascal Boniface

Irak, Tunisie : la seconde mort des néoconservateurs

Édito
10 février 2011
Le point de vue de Pascal Boniface

La révolution tunisienne n’a pas seulement mis fin au régime de Ben Ali. Elle a également apporté une nouvelle démonstration du caractère fallacieux des thèses néoconservatrices.

Mais, si on peut avoir la certitude que Ben Ali ne reviendra pas au pouvoir, il n’est pas acquis que les néoconservateurs américains – et encore moins leurs répliques françaises – reconnaissent leurs erreurs et fassent preuve à l’avenir de modestie dans leurs préconisations.
Qu’avait-on entendu avant la guerre d’Irak ? Deux arguments étaient mis en avant pour la justifier. Il y avait la fable des armes de destruction massive qu’il fallait absolument détruire. Elles étaient en fait des « armes de disparition massive » puisqu’on ne les a jamais retrouvées. Ces fausses affirmations des responsables américains et des « experts » qui les répétaient comme des perroquets sont venues décrédibiliser partiellement la cause de la non-prolifération. L’autre argument imparable reposait sur la nécessité d’instaurer la démocratie en Irak. Les néoconservateurs, constatant l’absence de démocratie dans l’ensemble du monde arabe, estimaient qu’il n’était pas possible de s’en accommoder.

Face à l’incapacité des nations arabes d’établir la démocratie, il fallait une intervention extérieure pour débloquer la situation. La guerre, pour regrettable qu’elle soit, aurait le mérite de permettre l’émergence d’un Irak démocratique et, par effet de contagion, de démocratiser l’ensemble du Proche-Orient. Ainsi, Israël, rassuré par l’évolution politique de ses voisins, pourrait enfin signer la paix avec les Palestiniens. Ceux qui mettaient en doute ce scénario, en affirmant que l’établissement d’une démocratie pérenne relève avant tout d’un processus intérieur, que sanctionner un pays arabe sans avoir préalablement avancé sur la question palestinienne ne pourrait que nourrir les sentiments anti-occidentaux dans le monde musulman, et que cette guerre aurait pour effet non pas de combattre mais de développer le terrorisme, étaient traités au mieux d’idiots utiles, au pire d’agents de Saddam Hussein.

Promenade de santé militaire qui devait modifier positivement l’ensemble du Proche-Orient, la guerre d’Irak a été une faillite stratégique et morale. Il y a un large consensus sur ce point désormais. Le dernier carré des néoconservateurs continue néanmoins de mettre en avant le caractère positif de l’établissement d’une démocratie en Irak, conséquence directe de la guerre. Pas d’omelette sans casser des œufs affirment cette poignée d’irréductibles !

La révolution tunisienne vient confirmer l’inanité des thèses néoconservatrices après les conséquences catastrophiques de la guerre d’Irak, car elle est le résultat d’un processus interne tuniso-tunisien. Même s’il est encore des troubles, on peut penser que la situation va se normaliser et la démocratie s’enraciner sans attentats, sans massacres, sans primauté donnée aux représentations confessionnelles et sans développement de la haine de l’Occident.

La démocratie n’a pas été établie par une ingérence extérieure, encore moins par une intervention militaire, mais bien par le peuple tunisien lui-même, avec l’empathie tardive des gouvernements occidentaux, immédiate des populations.
 


 

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