L'édito de Pascal Boniface

L’Allemagne accueille à bras ouverts les réfugiés : une générosité qui sert aussi le pays

Édito
8 septembre 2015
Le point de vue de Pascal Boniface
En accueillant avec une chaleur démonstrative des milliers de réfugiés, l’Allemagne n’a pas fait simplement un acte de générosité. Elle a aussi formidablement servi son intérêt national.

Ces réfugiés développeront un patriotisme inébranlable

Tout d’abord, parce que ces milliers de réfugiés qui fuient la guerre civile, la mort probable dans d’horribles conditions, seront éternellement reconnaissants à la nation allemande de ce geste. La très grande majorité va rester sur place, prendre racine, démarrer une nouvelle vie et s’intégrer.

À terme, peut-être, nombre d’entre eux vont obtenir la nationalité allemande. Tous, en tous les cas, manifesteront une adhésion fervente à l’Allemagne, développeront un patriotisme allemand inébranlable.

L’Allemagne était critiquée pour son égoïsme, sa morgue, son sentiment de puissance exacerbée, sa volonté de faire plier les pauvres et les petits à l’image de son intransigeance face au dossier grec.

Elle donne l’image d’une nation généreuse, ouverte et accueillante prête à faire des sacrifices pour aider les damnés de la terre qu’elle accueille sans barguigner. C’est ce rôle qui avait été tenu par la France et/ou les États-Unis aux siècles précédents pour leur plus grand bénéfice économique et en termes d’attractivité.

La fierté des Allemands sera décuplée

Son prestige dans le monde entier va être formidablement boosté. Le message envoyé par l’Allemagne est qu’elle est prête à aider ceux qui font des efforts, qui sont en danger, à l’image de ce qu’elle a été elle-même lors de sa reconstruction, mais qu’elle reste intransigeante face au laxisme. Nul doute que Berlin va communiquer sur ces éléments.

Cet épisode aura également des répercussions en Allemagne elle-même. La fierté et l’estime de soi des Allemands vont être décuplées par la bonne conscience que pourront avoir légitimement la plupart de ses nationaux.

La richesse allemande ne peut plus apparaître comme le résultat de la rigueur imposée aux autres, mais comme une réussite qui est mise à leur service. La fierté d’être Allemand ne sera plus teintée d’une mauvaise conscience à peine voilée. Les protestations de l’extrême droite ne viendront que renforcer ce sentiment d’une bienveillance face aux malheurs des autres.

Revigorer une démographie en berne

Certes, le cas allemand est spécifique. Il est plus facile d’être accueillant en période de plein emploi que lorsque l’on subit un chômage structurel.

L’apport des immigrés va revigorer une démographie allemande en berne, qui était l’un des défis majeurs à relever pour l’avenir du pays. Il va permettre de combler des déficits dans le marché du travail pour les emplois qui ne trouvaient plus preneur.

Mais, l’autre différence fondamentale c’est qu’il n’y a pas une extrême droite structurellement puissante dans le champ politique allemand, de nature à tétaniser une partie de la droite parlementaire et inhiber une partie de la gauche.

Les grandes formations politiques allemandes n’ont pas à courir après ou à tenir compte d’une extrême droite qui n’offre comme perspective que le renfermement, le repli sur soi, garantis d’un déclin que par ailleurs elle affirme combattre.
Tous les éditos