ANALYSES

La motivation pour l’armée japonaise est-elle en déclin ?

Tribune
21 mars 2016
Sur les 419 diplômés de l’Académie nationale de défense du Japon de Yokosuka pour l’année fiscale en cours, 47 ont exprimé leur intention de ne pas rejoindre en tant qu’officiers les rangs des forces d’autodéfense (FAD) et de poursuivre une carrière dans le secteur privé. Cette donnée est en forte augmentation par rapport à l’an dernier (25 rejets) et la proportion la plus haute depuis 25 ans, rapporte le Japan Times (taux de 11,2 % contre 5,3 % l’année précédente).

Le taux de départ a dépassé la barre des 10 % seulement deux fois par le passé, pendant les années fiscales 1988 et 1989, cette dernière marquant le début de la première guerre du golfe contre l’Irak du despote honni, Saddam Hussein. Il semble que « la reprise économique est le facteur derrière cette hausse », explique un haut fonctionnaire de l’armée japonaise au quotidien nippon. Il est certain que lorsque le taux de chômage est très faible, les jeunes candidats portent leur regard vers le secteur privé. Mais le haut fonctionnaire ajoute que l’on ne peut pas écarter les effets de la nouvelle législation de défense au Japon, adoptée en septembre 2015, ainsi que les changements d’interprétation de la constitution de 1946 de l’Archipel. Celle-ci autorise désormais le droit à l’autodéfense collective et permet d’aider militairement un allié menacé, même dans le cas où le Japon n’est pas attaqué. Ces changements ne manquent pas d’inquiéter une population résolument pacifiste.

En réalité, les problèmes liés au recrutement et au personnel de l’ex-armée impériale, ainsi qu’aux motivations de ses futurs membres, ne sont pas nouveaux. Le nombre de postulants aux FAD a encore décliné en 2014 de quelque 10 %, après avoir atteint un pic en 2011. Certains évoquent même l’idée de réintroduire une forme de conscription pour pallier ce déficit de recrues, souligne le South China Morning Post. En 2014, 31 101 personnes ont postulé pour des emplois militaires (hors officiers) contre 34 534 un an plus tôt, 3 856 ont voulu devenir des pilotes cadets (en baisse de 5 %) et 16 470 ont postulé à l’Académie nationale de défense du Japon (chiffre presque stable, – 25 personnes). Pourtant, l’intérêt pour les forces armées s’est renforcé ces dernières années. En effet, les Garde-côtes, une conséquente force paramilitaire, ont reçu en 2011 plus de 8 000 demandes contre 3 000 précédemment en moyenne, en raison d’un véritable sursaut patriotique afin de protéger les très disputées îles méridionales des Senkaku, en mer de Chine orientale.

Face à ce déclin, les autorités de la défense japonaise ont relancé des campagnes de recrutements par des canaux variés : affichages fondés sur les bandes dessinées populaires, dessins animés pour expliquer les fonctions pacifiques et dissuasives des FAD face aux ennemis de l’Archipel, etc. Les forces armées ont même recruté en 2014 l’actrice et mannequin Azusa Yamamoto pour s’exposer dans son calendrier 2014 ou la pop star Haruka Shimazaki qui apparaît dans un clip de 30 secondes vantant les mérites d’une armée que le premier ministre Shinzo Abe veut remettre d’aplomb. Une série télévisée populaire, « Les filles et le panzer », a même mis en scène des jeunes femmes menant des batailles de chars.

Ces tentatives traduisent la volonté d’attirer la gente féminine pour pallier le manque de soldats masculins. De nouveaux postes sont aussi ouverts au sexe féminin (pilotage d’hélicoptères d’attaque, patrouilles maritimes, opérations de déminage, etc.).

Pourtant le taux d’approbation des FAD avait progressé fortement, surtout après le tsunami et le tremblement de terre de 2011 qui a popularisé le rôle de ces forces. En janvier 2012, plus de 90 % des sondés avaient une bonne opinion de l’armée japonaise. Un taux au plus haut depuis 1969.

Mais les problèmes de recrutement s’accentueront à l’avenir car l’environnement démographique y est défavorable. Les difficultés de recrutement ne concernent d’ailleurs pas que les forces militaires mais aussi la police, confrontée à ce nouveau péril intérieur. La population jeune, notamment la tranche d’âge 18-26 ans, cœur du vivier de recrutement, a chuté de 17 millions en 1994 à 11 millions en 2012 ! Et la tendance n’est pas près de s’inverser.
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