ANALYSES

Face à la menace nucléaire nord-coréenne, Corée du Sud, Japon et États-Unis renforcent leur coopération de défense

Tribune
17 juin 2022
 

La Corée du Nord est une menace nucléaire d’ampleur. Selon le SIPRI de Stockholm, elle disposerait d’une vingtaine de têtes nucléaires et aurait la matière fissile pour en produire une cinquantaine. Pyongyang a procédé à 16 séances de tirs de missiles balistiques depuis le début de l’année. Ces missiles sont susceptibles d’emporter des têtes nucléaires. Elle préparerait le septième essai nucléaire de sa dangereuse histoire, depuis 2017, sur son site de Punggye-ri.

Face à de telles menaces, Corée du Sud, Japon et États-Unis vont renforcer leurs exercices pour parer à la menace.

Les responsables de la défense du Japon, des États-Unis et de la Corée du Sud ont convenu samedi 11 juin à Singapour de reprendre les exercices conjoints pour faire face aux missiles balistiques de la Corée du Nord après ses lancements répétés depuis le début de cette année, a rapporté Kyodo News.

Pour faire face aux tirs de missiles de la Corée du Nord, les trois nations se sont engagées à mener « des exercices trilatéraux d’alerte, détection de tirs de missiles, de recherche et de suivi de missiles balistiques » pour la première fois depuis décembre 2017, ainsi qu’à prendre d’autres mesures conjointes pour faire face aux « attaques illégales répétées » de Pyongyang avec ses lancements de missiles balistiques.

L’exercice combiné de détection et de poursuite de missiles sera mené près d’Hawaï en août, ont annoncé mardi des responsables sud-coréens de la défense. Les exercices combinés, connus sous le nom d’exercice Pacifique Dragon, ont eu lieu tous les deux ans. La marine sud-coréenne a participé à l’exercice en 2018 et 2020, mais l’administration Moon Jae in n’a pas divulgué les détails des exercices à l’époque.

L’exercice Pacific Dragon commencera vers la fin de l’exercice multinational Rim of Pacific (Rimpac) cette année, qui se concentre sur l’amélioration de la coordination tactique et technique entre ses participants, y compris la détection, le suivi et le signalement des cibles de missiles balistiques. Rimpac devrait se dérouler du 29 juin au 4 août. L’exercice Pacific Dragon devrait se tenir du 1er au 14 août, mais il est possible qu’elles changent en fonction de la météo ou d’autres imprévus, a précisé le Korea Joongang Daily.

Rapprochement Corée-Japon

Outre les menaces nord-coréennes, le changement de gouvernement à Séoul a donné un nouvel élan à l’amélioration des relations entre le Japon et la Corée du Sud. Les relations bilatérales sont tombées à leur plus bas niveau depuis des décennies sous Moon Jae In, le prédécesseur du nouveau président sud-coréen Yoon Suk Yeol, en raison de nombreux problèmes découlant de la domination coloniale japonaise de 1910-1945 sur la péninsule coréenne.

Cette menace conduit nécessairement à la question de la nécessaire dénucléarisation de la péninsule coréenne et plus généralement de la planète. C’est le sens de la déclaration récente du Premier ministre nippon Kishida qui souhaite une dénucléarisation planétaire, que tous devraient souhaiter et qui est, rappelons-le, l’objectif du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) que la France a signé et dont elle est partie prenante.

À Shangri-La, M. Kishida délivrant sa vision de la paix pour la planète a précisé : « Le troisième élément (pour la paix) consiste à « promouvoir » des efforts réalistes pour créer un monde sans armes nucléaires ». Pour mettre en œuvre cet objectif, Kishida cherche ainsi à établir le « Groupe international de personnalités éminentes pour un monde sans armes nucléaires » composé d’actuels et d’anciens dirigeants politiques. Dans son allocution, il a annoncé qu’il accueillera cette année une première réunion du groupe à Hiroshima. »

Alors que la planète se réarme, il faut agir : le nombre d’ogives nucléaires dans le monde, divisé par cinq depuis la fin de la guerre froide, devrait repartir à la hausse dans les années qui viennent sous l’effet du développement de l’arsenal chinois, selon l’institut Sipri. Washington et Pékin consacrent de plus en plus d’argent à la modernisation de leur arsenal. La France a, quant à elle, dépensé en 2021 5,9 milliards de dollars, au cinquième rang mondial, pour la modernisation de ses forces nucléaires.

Dénucléariser un monde surarmé

La menace nucléaire nord-coréenne, de même que celle de la Russie, doit faire prendre conscience qu’un monde surarmé et nucléarisé est trop dangereux, surtout que les dictateurs Kim Jong_un et Vladimir Poutine rivalisent de barbarie. De telles armes aux mains de tels dictateurs sont une source de guerres violentes et d’instabilité majeure, que seules les démocraties peuvent tempérer, à condition d’être unies. Le sont-elles toujours ? L’histoire montre que non avec tous les risques que l’on a connus. En Ukraine, l’absence initiale de réactions a entraîné des dizaines de milliers de morts ukrainiens inutiles sans compter les centaines de milliards d’euros de destructions matérielles. Il faut donc agir et non tergiverser à l’infini.

Taïwan est aussi menacée d’agression par une puissance expansionniste, la Chine communiste, dénoncée à Singapour. Le ministre japonais de la Défense Nobuo Kishi, le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin et le ministre sud-coréen de la Défense Lee Jong Sup, dans une déclaration publiée à l’issue de leur entretien commun, ont également souligné l’importance de « la paix et la stabilité » dans le détroit de Taiwan, à travers lequel la Chine exerce des activités militaires, a indiqué Kyodo News.

Il est vraiment temps de s’unir encore et toujours – c’est le sens du récent rapprochement militaire lors du Dialogue de Shangri-La à Singapour entre le Japon, l’Australie et les États-Unis, mais aussi d’avancer dans les négociations sur le désarmement nucléaire, qui doit être un vrai objectif et non un coup d’éclat médiatique. La France, qui se veut puissance indo-pacifique, doit y pousser avec force et non au mieux à reculons. Comme l’a souligné le 14 juin dernier, l’ICAN, prix Nobel de la paix 2017, « La France fait le choix de tourner le dos à l’Organisation des Nations unies et aux Français.e.s en décidant de ‘bouder’ – dans un contexte de guerre menée par une puissance nucléaire – la première réunion des États parties (1MSP) au Traité des Nations unies sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) qui se tiendra du 21 au 23 juin à l’Office des Nations unies à Vienne en Autriche. L’indifférence ne peut pas être la réponse du président Macron à cette insécurité. »

Certes le désarmement nucléaire ne peut être immédiat et doit se faire par étapes et suivi, mais il est indispensable et inévitable. Il s’agit tout de même de l’avenir de la planète…
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