ANALYSES

Japon : le premier ministre Kishida de plus en plus soutenu dans son intention d’accroître l’effort de défense

Tribune
7 juin 2022


 

Le soutien à la promesse du Premier ministre Fumio Kishida d’une « augmentation considérable » du budget de la défense du Japon s’accroît à la fois dans les camps du parti au pouvoir et de l’opposition avant les élections à la Chambre haute qui auront lieu cet été, indique le Japan Times.

De récents sondages dans les médias ont aussi montré qu’une majorité de Japonais sont prêts à accepter une augmentation des dépenses militaires, ce qui reflète apparemment leurs inquiétudes concernant l’environnement de sécurité régionale après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Lors de la dernière réunion avec le président américain Joe Biden à Tokyo, M. Kishida a présenté le plan de son gouvernement pour augmenter les dépenses de défense et a obtenu le soutien du président américain.

Le Parti libéral démocrate (PLD) a déjà proposé une forte augmentation des dépenses de défense, appelant à un renforcement drastique des capacités de défense du Japon d’ici à cinq ans, tout en faisant référence à l’exigence de l’OTAN pour les pays membres de garantir un budget de défense égal à 2% du produit intérieur brut.

Fin mai, dans une émission à la chaîne de télé NHK, Itsunori Onodera, président du comité de recherche sur la sécurité du PLD, a déclaré que le budget actuel est insuffisant pour garantir assez de munitions et de carburant, tandis que la recherche et le développement en matière de défense sont également sous-financés.

Déficit de pièces

M. Onodera, un ancien ministre responsable de la défense japonaise, a également noté à quel point le manque de pièces pour les avions de combat entraînait des problèmes opérationnels.

Un problème grave alors que les incursions d’avions militaires chinois dans l’espace aérien japonais sont croissantes depuis de nombreuses années.

Le principal parti d’opposition, le Parti démocrate constitutionnel (PDC) du Japon, s’est également montré positif quant à la nécessité d’une augmentation des dépenses de défense afin d’acquérir les capacités nécessaires.

La question de l’augmentation des dépenses de défense « ne sera pas un problème » lors des élections à la Chambre haute, a déclaré le chef du PDC, Kenta Izumi, aux journalistes. Cependant, concernant l’ampleur de toute augmentation, M. Izumi a souligné que son parti s’oppose à un objectif numérique, contrairement au PLD, affirmant que les dépenses de défense devraient être augmentées en fonction de « ce qui est réellement nécessaire ».

Le chef du Parti démocrate pour le peuple, Yuichiro Tamaki, a suggéré une position similaire. « Il est essentiel de discuter de la substance » d’une augmentation budgétaire, a-t-il déclaré.

Le Nippon Ishin no Kai (Parti de l’innovation au Japon) a, quant à lui, rédigé une plate-forme électorale pour la Chambre haute qui comprend l’objectif de 2 % du PIB pour les dépenses de défense.

Parmi les autres partis d’opposition, le Parti communiste japonais s’oppose à une augmentation des dépenses de défense.

Le Komeito, le partenaire junior de la coalition du PLD, a également indiqué qu’il soutiendrait un budget de défense renforcé, mais reste divisé sur l’ampleur de l’augmentation.

« Nous n’avons pas d’autre choix que de mettre en œuvre une augmentation considérable », a déclaré le législateur senior du Komeito, Kazuo Kitagawa.

Une hausse substantielle se justifie-t-elle ?

On l’a déjà écrit, accroître le budget de la défense jusqu’à 2 % du PIB viole en quelque sorte l’esprit de la constitution pacifiste du Japon et le seuil fixé depuis 1976 de ne pas dépasser 1 % du PIB. Pendant très longtemps, ce seuil n’a pas été franchi même si le budget l’effleurait. Il a été franchi récemment, mais on est encore loin des 2 %.

L’évolution de l’opinion et des partis politiques s’explique par l’environnement international qui devient très préoccupant. Outre l’Ukraine et l’invasion russe, la menace chinoise et nord-coréenne est croissante. Pyongyang ne cesse « d’améliorer » son arsenal balistique, qu’il teste régulièrement près du Japon. Quant à la Chine, principale menace, elle ne semble pas freiner son effort de défense, notamment sur la marine de guerre. Pour preuve, le 31 mai, la Chine a inauguré la construction d’un nouveau navire autonome de grande taille pour sa flotte, rapporte le Global Times. Il s’agira d’un trimaran à foils, capable d’évoluer à grande vitesse et d’effectuer ses missions sans équipages. Aucune information n’a été dévoilée sur la nature du navire et sur les opérations qu’il sera amené à conduire. Il est construit par la China State Shipbuilding Corporation (CSSC) qui vient d’achever un premier porte-drones autonome d’une taille record de 88,5m de long.

Et Pékin ne cherche d’étendre son emprise du le Pacifique. Comme l’expliquent ainsi les Amers du CESM, veille périodique d’information sur la marine : « Le ministre chinois des Affaires étrangères a récemment conclu avec les Tonga plusieurs accords de coopération bilatérale. Ces accords concernent des domaines variés, dont la pêche et l’aide en cas de catastrophe naturelle. Le ministre effectue actuellement une tournée diplomatique de 10 jours à travers le Pacifique sud, dans l’objectif de conclure des accords bilatéraux avec les nations insulaires de la région. Il s’est déjà déplacé aux îles Salomon, aux Kiribati, aux Samoa et aux Fidji, et doit désormais se rendre au Vanuatu, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et au Timor-Oriental.

Ainsi Pékin cherche à accroître son réseau de points d’appui potentiels pour sa marine civile et militaire dans le Pacifique comme elle le fait dans l’océan Indien.

Face à cela, Tokyo va déployer son porte-avions de fait (il s’équipe de chasseurs F35B furtifs à décollage vertical), le porte-hélicoptères Izumo, et différents destroyers, qui se rendront dans 12 pays de la région, dont les îles Tonga, Fidji, Salomons… à des fins de dissuasion, indique le journal conservateur Yomiuri Shimbun.

Tokyo ne semble plus avoir d’autre choix que de consolider ses alliances (par des exercices navals notamment et par la coopération militaire) et à accroître son effort de défense. Mais ce jeu peut être dangereux, car la course aux armements ne produit jamais de bons effets. Si une armée plus dotée peut être plus dissuasive, Tokyo ne doit pas se limiter là et trouver les moyens de régler pacifiquement ses différends. Seule la table des négociations est à terme efficace, pas la guerre.

 

 

 
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