ANALYSES

France-Japon : un partenariat d’exception réaffirmé

Tribune
24 janvier 2022


Jeudi 20 janvier, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et la ministre des Armées, Florence Parly, se sont entretenus avec leurs homologues japonais respectifs, Hayashi Yoshimasa et Kishi Nobuo. Cet échange a été l’occasion de réaffirmer la coopération entre les deux pays sur le plan de la sécurité et de la défense. L’occasion pour la France d’intensifier son implication dans l’indopacifique, région où elle perçoit que l’avenir du monde se dessine en grande partie.

Il y a quatre ans, pour le 160e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et le Japon, Florence Parly avait fait le déplacement à Tokyo afin d’y rencontrer Itsunori Onodera, ministre de la Défense du Japon. En présence des ministres des Affaires étrangères de chaque pays, ils avaient pu constater le renforcement significatif de la dimension stratégique de la relation franco-japonaise. Les quatre ministres avaient alors réaffirmé leur volonté de renforcer le « partenariat d’exception » qui unit les deux pays. Nations du Pacifique, la France et le Japon.

Ce jeudi 20 janvier 2022, le Covid-19 empêchait tout déplacement physique. Néanmoins, l’amitié franco-japonaise a été réaffirmée. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et Florence Parly se sont entretenus en visioconférence avec leurs homologues japonais, le ministre des Affaires étrangères Hayashi Yoshimasa et le ministre de la Défense Kishi Nobuo.

Comme le rapporte l’agence Reuters, ils ont réaffirmé leur coopération pour la création d’une zone de prospérité indo-pacifique libre et ouverte. Garantir la stabilité de cette région où se trouvent des territoires français comme la Nouvelle-Calédonie et Tahiti ainsi que des forces militaires françaises est en effet un moyen de lutter efficacement contre l’expansion de la Chine et les menaces balistiques de la Corée du Nord. La question de Taïwan a été abordée alors que Pékin accroît sans cesse ses revendications et ses menaces.

Partenaire stratégique d’exception

Ces prises de position ne sont que la confirmation du partenariat entre les deux États, renforcé depuis 2014. Le Japon est un partenaire stratégique de la France depuis 1995. Ce partenariat a été élevé au rang de « partenariat d’exception » à l’occasion de la visite d’État du Président de la République François Hollande au Japon en juin 2013.

Le partenariat d’exception prend appui sur une « feuille de route pour la coopération franco-japonaise », qui fixe à cinq ans les grands objectifs de coopération :

– le renforcement de la coopération dans l’espace indo-pacifique ;

– l’approfondissement de la coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense ;

– la promotion d’une gouvernance mondiale fondée sur le multilatéralisme pour répondre aux enjeux globaux ;

– le développement d’un partenariat économique tourné vers l’innovation ;

– la création d’une nouvelle dynamique en matière d’échanges humains.

Ce partenariat s’appuie un dialogue politico-militaire (dit « dialogue 2+2 ») au niveau des ministres en charge des affaires étrangères et de la défense.

En janvier 2014, la première réunion « 2+2 » (ministres de la Défense et des Affaires étrangères des deux pays) s’était tenue, l’occasion de reconnaître l’importance de la liberté de la mer et de vol aérien. Un accord avait été trouvé pour établir un cadre pour deux dialogues concernant les mesures pour les contrôles des exportations d’armements et la coopération en matière d’équipement de défense. En mai 2014, le Premier ministre Shinzo Abe s’était rendu en France. Les deux chefs d’État s’étaient mis d’accord pour commencer les négociations sur un accord de défense et de coopération. Un accord intergouvernemental relatif au transfert d’équipements et de technologies de défense signé à cette occasion est entré en vigueur le 2 décembre 2016. Un accord de soutien logistique mutuel (ACSA) a été signé en juillet 2018 à Paris, est entré en vigueur le 26 juin 2019.

Le projet de coopération pour le développement de drones sous-marins détecteurs de mines, longtemps au ralenti, est entré en phase concrète.

En mars 2021, Thales indiquait que « faisant suite à la signature par la Direction générale de l’armement (DGA) et son homologue japonais, l’Acquisition, Technology & Logistics Agency (ATLA), d’un accord de coopération dans la Défense, Thales et Mitsubishi Heavy Industries (MHI) (côté japonais) vont développer conjointement un démonstrateur sonar à double fréquence qui sera évalué en mer dans les deux pays. Ce projet d’une durée de cinq ans est une étape clé vers une coopération franco-japonaise plus étroite dans la lutte antimines, et vient consolider le partenariat existant entre MHI et Thales. Le partenariat a pour objectif de développer un nouveau système autonome de lutte antimines capable de détecter, classifier et localiser tous les types de mines ». C’est donc une avancée dans un domaine clé de la guerre navale contemporaine.

Hormis cette dimension industrielle de défense, une dimension opérationnelle se renforce.

Deux accords sur la surveillance de l’espace ont été signés en mars 2017 afin d’accroître la coopération dans le domaine spatial.

Élargissement des exercices

Par ailleurs, des exercices navals sont également menés depuis plusieurs années et peuvent être bilatéraux ou bilatéraux

Les exemples sont nombreux. Sur le plan multilatéral, on peut citer celui du 5 au 7 avril 2021 qui s’est tenu dans le Golfe du Bengale. La Marine nationale a déployé un porte-hélicoptères amphibie Tonnerre et la frégate Surcouf.

Les forces françaises se joignaient ainsi aux forces maritimes d’autodéfense du Japon (JMSDF) qui participaient à cet exercice conjoint (Lapérouse -21) associant les marines française, mais aussi américaine, australienne et indienne afin de renforcer leur collaboration interopérabilité pour garantir un « Indopacifique libre et ouvert ».

Mais la coopération peut impliquer d’autres armes. C’est une nouveauté.

En mai, des manœuvres militaires communes ont eu lieu en présence de forces françaises et américaines. Une première pour la France dans la région.

Des forces françaises ont été déployées au Camp Ainoura, au Japon, pour prendre part à des manœuvres militaires communes. C’est la première fois que la France est impliquée dans de telles opérations d’entraînement interarmées avec la marine et des soldats au sol dans l’archipel nippon.

Les deux jours d’exercices terrestres ont mobilisé une soixantaine de soldats de la Légion étrangère, des troupes de marine ou du génie. Ils ont manœuvré avec la brigade d’intervention amphibie (ARDB) des forces japonaises d’autodéfense (FAD) et des Marines américains. Transporté par hélicoptère, le contingent a simulé un assaut et du combat urbain au camp d’entraînement des FAD de Kirishima, au cœur de Kyushu, dans le Sud-Ouest du Japon, selon un scénario de reprise d’une île aux mains d’une force ennemie. Ces manœuvres inédites font partie de l’exercice ARC21, commencé le 11 mai à la base des FAD d’Ainoura, dans le département de Nagasaki au Sud-Ouest de l’archipel.

L’ARC21 avait aussi une forte portée politique. Les manœuvres se sont tenues non loin des Senkaku, îlots inhabités, administrés par le Japon en mer de Chine orientale, revendiqués par Pékin, qui les appelle Diaoyu.

On voit donc que la France s’implique de façon croissante dans la région, signe de son intérêt pour la zone Indo-Pacifique où elle compte plus d’1 million de ressortissants et où elle perçoit que l’avenir du monde se dessine en grande partie.

De façon significative, le 17 septembre 2021 au large de la Nouvelle-Calédonie, les forces maritimes d’autodéfense du Japon (JMSDF) et les Forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC) ont organisé l’exercice bilatéral « Oguri-Verny ». Le destroyer japonais JS SHIRANUI s’est notamment entrainé avec l’avion maritime Gardian des FANC lors d’exercices de défense aérienne. C’est là encore une preuve des interactions croissantes entre les deux pays au large du principal territoire français dans le Pacifique.

 
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