ANALYSES

L’Agenda 2020 du CIO : vers un renouveau ?

Tribune
20 novembre 2014

Thomas Bach, président du Comité international olympique (CIO) depuis septembre 2013, a présenté, mardi 18 novembre 2014, l’Agenda 2020 de l’organisation. Ce document] présente « 20+20 recommandations pour déterminer l’avenir du mouvement olympique » et qui devront être examinées au cours de la prochaine session de l’organisation, les 8 et 9 décembre 2014.


Résultat d’un an de réflexions, consultations et avis, il constitue une véritable « feuille de route stratégique » pour l’avenir du CIO. T. Bach a ainsi déclaré que « Le sport et les Jeux sont trop importants pour ignorer les changements de la société ». Au cœur de ces ambitions, plusieurs axes majeurs se distinguent : le facteur économique, la durabilité mais aussi l’éthique.


Le CIO entend d’abord « adopter une nouvelle philosophie » consistant à permettre aux villes de présenter un projet correspondant à leurs véritables besoins « sportifs, économiques, sociaux et de planification environnementale à long terme ». L’objectif affiché est de tenir compte de la situation économique mondiale.


Ces recommandations appellent à des candidatures raisonnables – ou du moins raisonnées –, mais surtout mettant l’héritage olympique au cœur du projet. Négligée il y a encore quelques années, cette idée est devenue une condition sine qua non de la réussite d’un projet olympique. En d’autres termes, les infrastructures et les services mis en œuvre au sein de la ville désignée ne doivent pas avoir une durée de vie limitée à la seule période des Jeux olympiques et paralympiques.


La recommandation 1 précise ainsi que « Le CIO fera activement la promotion de l’usage maximum d’équipements existants et d’installations temporaires et démontables. » On garde en mémoire les « éléphants blancs » d’Athènes, équipements laissés à l’abandon depuis 2004.


Souvenir que le CIO tâche ainsi de dissiper. Désormais, pour lui, il est nécessaire que le projet olympique ait une valeur ajoutée pour la cité et ses habitants, voire pour sa région. Dans cette optique, on a ainsi vu Madrid proposer l’année dernière pour l’organisation des Jeux 2020 une candidature présentée par certains comme « low-cost » mais qui se basait principalement sur la réutilisation d’infrastructures déjà existantes.


En d’autres termes, les Jeux olympiques s’intégraient à Madrid, et non l’inverse. Si la proposition de Tokyo fut finalement retenue, la candidature de Madrid marqua les esprits et s’inscrivait parfaitement dans la logique économique actuelle.


La question de la durabilité est également au cœur du projet, que l’on retrouve notamment au sein des recommandations 4 et 5.


L’Agenda 2020 entend poser les bases de ce que doit être l’organisation à l’avenir, ce vers quoi elle doit tendre et ce sur quoi elle doit se concentrer. Ce nouvel axe est clairement à lier avec le versant économique développé par le rapport. Le CIO, par ses recommandations, entend inscrire non seulement l’organisation de ses Jeux dans le temps, mais aussi dans une logique pérenne.


Thomas Bach a ainsi insisté sur la nécessaire durabilité à la fois économique, mais aussi en matière de développement. Pour la première fois, l’organisation olympique ouvre la porte à des candidatures multiples, portées par plusieurs pays ou plusieurs villes. Si les compétitions à l’échelle d’un continent prenant exemple sur l’Euro 2020, sont pour l’instant exclues, l’hypothèse de candidatures de deux pays proches géographiquement est désormais envisagée.


Revenant sur le « sacro-saint » principe de l’unité de lieu, cher à l’organisation, cette avancée démontre la prise de conscience du CIO de la nécessaire ouverture et flexibilité des Jeux. Dans une interview, le président du CIO n’hésite pas à déclarer qu’il souhaite « ouvrir la fenêtre du CIO » « pour y faire rentrer de l’air frais ».


Enfin, il convient de noter l’intérêt soutenu pour l’intégrité et l’éthique.


Sur 40 recommandations, cinq sont entièrement consacrées à ces notions. Alors que les critiques à l’encontre de la gouvernance du sport, et particulièrement à l’égard de la FIFA et du CIO se sont faites de plus en plus virulentes depuis les années 1990, l’Agenda entend donner des garanties et une nouvelle ambition au mouvement olympique.


Protection des athlètes intègres (recommandation 15), mise en œuvre d’une surveillance pour le respect des principes universels de base de la bonne gouvernance (recommandation 27), renforcement de la transparence économique (recommandation 29), indépendance de la commission d’éthique (recommandation 30) sont autant d’axes d’évolution envisagés.


Si la prudence est de mise concernant ces projets ambitieux en raison de leur difficulté de mise en œuvre, on peut toutefois considérer que le CIO entend apporter une réponse aux critiques faites à son encontre à la suite l’attribution des Jeux à certaines villes.


Au-delà des simples recommandations, plusieurs raisons permettent d’expliquer l’importance de ce rapport.


D’une part, les derniers Jeux olympiques d’hiver, qui se sont déroulés à Sotchi en février 2014, ont eu un poids important sur la formulation des recommandations. Si les Jeux ont été satisfaisants d’un point de vue organisationnel, le CIO s’est heurté à de nombreuses critiques, concernant non seulement l’attribution de la compétition à la Russie mais aussi son « laisser-faire » dans la conduite de l’organisation, ainsi que les dépenses considérables engendrées (le coût des Jeux est estimé à 45 milliards d’euros au lieu des 14 milliards prévus initialement).


De surcroît, le silence du CIO au sujet des mesures de sécurité intérieures prises par le Kremlin et du dispositif législatif russe à l’encontre de la communauté LGBT fut mis en avant à de nombreuses reprises.


D’autre part, alors que les Jeux d’été de 2020 ont été attribués à Tokyo, le CIO travaille actuellement sur l’organisation des Jeux d’hiver 2022. Après avoir suscité un engouement certain, le processus a fait face au retrait de certaines villes candidates. Ainsi, Stockholm, Cracovie, Lviv et Oslo ont renoncé à organiser la compétition, laissant Almaty et Pékin concourir seules.


Une fois de plus, les critiques se multiplient à l’encontre du CIO, qui devra choisir entre deux pays qui ne sont pas considérés comme les plus respectueux des droits de l’homme.


Enfin, ce document intervient au début du mandat de T. Bach, envoyant un signal positif tant pour la suite de son mandat que, plus largement, pour l’avenir du mouvement olympique. S’il ne s’agit que de recommandations, n’ayant donc pas de force juridique, on ne peut que saluer la volonté de faire évoluer l’organisation.


À la suite du scandale d’attribution des Jeux de Salt Lake City en 2002, le CIO avait voulu montrer sa volonté d’évolution et avait ainsi entamé une réforme en son sein afin de répondre aux critiques d’opacité et de corruption. Si cette volonté était louable, les résultats furent toutefois peu probants.


Hasard du calendrier, cet Agenda 2020 est dévoilé quelques jours après la publication des conclusions controversées de la Fédération internationale de football association (FIFA) sur le rapport Garcia, qui aggrave encore un peu plus le climat de doutes et d’incertitudes autour de l’organisation dirigée par Sepp Blatter.


Il n’est donc pas impossible que le CIO cherche ainsi à se distinguer de cette autre organisation à caractère non lucratif de droit suisse, notamment quand sa recommandation 30 invite à « renforcer l’indépendance de la commission d’éthique du CIO ».


À condition évidemment que les membres du CIO avalisent ces recommandations au cours du vote qui aura lieu le 8-9 décembre 2014…


Cette tribune est publiée en partenariat avec Le Plus du Nouvel Obs

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