ANALYSES

Elections américaines : les jeux sont-ils faits ?

Interview
8 novembre 2016
Le point de vue de Marie-Cécile Naves
Quels sont ces « swing states » où les élections semblent se jouer ?

Les « swing states », ce sont ces Etats qui peuvent basculer d’un côté ou d’un autre et qui, par conséquent, déterminent souvent le résultat de l’élection. Il en existe une dizaine, parmi lesquels 4 ou 5 Etats seront particulièrement scrutés : la Floride, décisive lors de l’élection de George W. Bush face à Al Gore en 2000, La Caroline du Nord, la Pennsylvanie et l’Ohio. Dans l’Ohio, pour l’instant, Donald Trump est en tête des sondages avec une faible marge (entre 1 et 3 points d’écart). En Floride, le vainqueur varie selon les jours et les sondages. Si l’on s’en tient aux derniers résultats, Trump serait en tête mais ces chiffres pourraient s’avérer trompeurs. En effet, en Floride – tout comme dans le Nevada, entre autres -, au moins 30 à 40 % des électeurs ont déjà voté et surtout, la communauté hispanique de ces deux Etats s’est fortement mobilisée. Un mauvais signe pour le candidat républicain.
En Caroline du Nord, la situation sera, en revanche, plus difficile pour Hillary Clinton car l’électorat blanc, plus favorable à Trump, est proportionnellement très nombreux. Quant à la Pennsylvanie, elle semble favorable à Hillary Clinton mais des doutes subsistent quant à la mobilisation de la communauté noire qui constitue une part importante de l’électorat démocrate. Pour éviter l’abstention, Obama et son épouse multiplient les apparitions publiques et les appels au vote.
L’élection se jouera donc dans 4 ou 5 Etats.

Que retiendra-t-on de cette campagne présidentielle ?

Cette campagne s’est avérée exceptionnelle, moins finalement par le suspens que par le fait que plus nous nous sommes rapprochés du scrutin, moins les débats ont tourné autour des questions de fond. Un fait inédit pour les Américains, qui habituellement assistent tout d’abord à une phase où les candidats adoptent une posture militante, puis à une phase politique, dans le dernier mois, où les candidats confrontent des points plus précis de leur programme. Durant cette campagne, en revanche et à l’approche du scrutin, les débats de forme, coups bas et théories du complot se sont multipliés.
Au final, je pense que cette campagne présidentielle donnera raison aux détracteurs de la politique, ceux qui remettent en cause le fonctionnement démocratique actuel, qui estiment que les élus ne représentent plus les électeurs, etc. Les débats et les polémiques auxquels nous avons pu assister, tel que « qui a effectué le plus d’agressions sexuelles entre Donald Trump et Bill Clinton ? » ou « qui est le plus corrompu ? » ont desservi l’image des Etats-Unis et de la politique. Ce phénomène n’est cependant pas spécifique aux Américains et touche toutes les démocraties.

D’autres scrutins se jouent le 8 novembre. Quels sont leurs enjeux ? Quelles ont les prochaines étapes clés des processus électoraux américains ?

Des élections importantes se jouent en effet le 8 novembre. A la Chambre des représentants tout d’abord, qui se renouvelle tous les deux ans dans son intégralité (435). Cet organe est pour l’instant largement acquis aux Républicains. Ces derniers réussiront probablement à conserver leur majorité, mais avec une avance peut-être moins grande par rapport aux Démocrates. En outre, un tiers des 100 sièges du Sénat seront renouvelés. Les Démocrates sont pour l’instant minoritaires dans cette chambre avec 9 sièges d’écart, mais cette tendance pourrait s’inverser, car les sénateurs républicains sont deux fois plus nombreux à remettre leur siège en jeu que les Démocrates. D’après les sondages, les Démocrates pourraient l’emporter avec un ou deux sièges d’avance.
Moins médiatisées que la présidentielle, les élections de la chambre des représentants et du Sénat s’avéreront tout du moins cruciales pour déterminer la marge de manœuvre du futur président. Si Hillary Clinton est élue et que le Sénat obtient, comme le prévoient les sondages, une courte majorité en faveur des Démocrates, elle pourra faire passer un certain nombre de réformes car le Sénat dispose d’un pouvoir plus important que la Chambre des représentants. Elle sera cependant handicapée sur les décisions importantes, car celles-ci se décident à la majorité des deux tiers. Elle serait alors contrainte d’exercer la présidence des Etats-Unis en cherchant régulièrement le compromis avec l’opposition, ce à quoi elle se prépare depuis longtemps.
En outre, les scrutins du 8 novembre seront aussi dédiés à l’élection de 12 des 50 gouverneurs dont celui de Caroline du Nord. Il y aura également de nombreux scrutins locaux, congrès, magistrats, shérifs et référendums de légalisation du cannabis. Les Américains attendront, ensuite deux ans avant de retourner aux urnes, à l’occasion des « midterm » (élections de mi-mandat), avec le renouvellement de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat, à nouveau.
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