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Japon : Abe poursuit l’accent mis sur la défense dans un contexte difficile

Tribune
19 janvier 2015
Le gouvernement japonais, dirigé par le Premier ministre conservateur Shinzo Abe, a approuvé mercredi une enveloppe record de près de 5 000 milliards de yens (42 milliards de dollars) au ministère de la Défense, dont le budget augmente pour la troisième année consécutive sur fond de tensions avec Pékin en mer de Chine orientale, dans le cadre d’un budget total record de ¥ 96,3 trillions (814 milliards de dollars) pour l’exercice qui débutera le 1er avril.

Ce projet de budget, pour l’exercice fiscal qui commence en avril, prévoit une augmentation de 2,8 % des dépenses, dont le total atteindra 4 980 milliards de yens.

Le budget doit encore être approuvé par le Parlement, mais la coalition de M. Abe détient la majorité dans les deux chambres, renforcée depuis les dernières élections anticipées en décembre.

« La situation autour du Japon est en train de changer. Les dépenses sont au niveau nécessaire pour protéger les espaces aérien, naval et terrestre du Japon et pour défendre nos citoyens et leurs
biens. », a déclaré dimanche le ministre de la Défense, M. Nakatani. Le budget de la défense baissait régulièrement lorsque le premier ministre Shinzo Abe est revenu aux affaires en septembre 2012.

La hausse des dépenses de défense est la troisième augmentation annuelle sous Abe, qui a pris ses fonctions en décembre 2012 et met fin à 11 années consécutives de compressions budgétaires du budget de la défense. Son augmentation concerne principalement les nouveaux équipements. Il s’agit de 20 avions P-1 de surveillance maritime (coût total de 350 milliards de yens), 6 avions de combat furtifs américains F-35 et 30 véhicules amphibies pour permettre de former une nouvelle unité similaire à l’US Marine Corps. Un avion d’alerte aérienne avancée, E-2D, est également acquis.

Le cabinet Abe a décidé à la fin 2013 de consacrer quelque 24,7 trillions de yens entre 2014 et 2019 pour acheter des équipements militaires allant des drones aux sous-marins, en passant par les avions de combat et les véhicules amphibies dans le cadre d’une nouvelle approche stratégique vers le Sud et l’Ouest du Japon. L’objectif est de renforcer la capacité de Tokyo à défendre les îles japonaises inhabitées de la mer de Chine orientale qu’elle contrôle, mais qui sont également revendiquées par la Chine. Des patrouilleurs des garde-côtes chinois fréquentent souvent les eaux près des îles, qui sont connues comme les Senkaku au Japon et sous l’appellation d’îles Diaoyu en Chine.

Le budget 2015 couvre également le coût de l’achat des premiers drones HALE «Global Hawk» à long rayon d’action et très haute altitude, prévus pour un déploiement en 2019. Le Japon prévoit également d’allouer des fonds pour créer une unité d’observation militaire sur l’île de Yonaguni, à proximité des îlots disputés. Enfin, deux destroyers équipés de radars et de système de défense antimissile ultraperformants Aegis, en développement avec les Etats-Unis, seront acquis.

Hausses « modestes » dans un contexte budgétaire tendu

Les augmentations des dépenses militaires de ces trois dernières années sont toutefois assez « modestes » comparées à la croissance à deux chiffres des dépenses militaires chinoises. Pékin a fait état d’une augmentation de 12,2 % de son budget de défense l’an dernier, qui s’élève (officiellement) à 132 milliards de dollars, des estimations du Pentagone et d’autres experts montrent qu’il dépasse les 150 milliards de dollars.

Selon les prévisions du Tokyo Foundation Asia Security Project, les dépenses de défense chinoises pourraient être 4,8 fois supérieures à celles du Japon en 2020 et même 9,1 fois en 2030 (12,7 fois dans une estimation haute), atteignant le chiffre astronomique de 762,5 milliards de dollars (1 067,5 milliards de dollars en estimation haute!).

Le gouvernement Abe est dans une position difficile, entre dépenser assez pour soutenir la croissance économique et la défense et ralentir la hausse de la dette du Japon, qui est le plus élevée, proportionnellement, entre les pays industrialisés, dépassant 200 % du PIB nippon. Le service de la dette continuera de croître, de 0,8 %, pour peser près d’un quart du budget. Celui de la défense, si le nouveau budget est adopté, ne sera que de 5 % environ du budget total de l’Etat nippon qui atteindra un record de 96,3 trillions de yens.

Politique de puissance

Shinzo Abe poursuit donc sa politique pour redonner au Japon les moyens d’être une puissance militaire, pouvant coopérer efficacement avec ses alliés, malgré un engagement au pacifisme inscrit dans la constitution d’inspiration américaine, établie après la défaite du pays, en 1946. Les lignes directrices de la défense du Japon ont été révisées en décembre 2013 alors que les tensions ont augmenté sur les îles de la mer de Chine orientale. Le droit à l’autodéfense collective a été autorisé en juillet 2014 sous réserves, les exportations d’armements japonais et de coopération en matière de production d’équipements militaires sont maintenant possibles (lire aussi nos précédentes analyses).

Le budget de la défense est conçu pour atteindre une capacité de défense qui peut répondre à diverses éventualités, a indiqué le ministère dans le projet de budget approuvé par le Cabinet.

Il fournira une dissuasion efficace et contribuera à la stabilité dans la région Asie-Pacifique et l’amélioration de l’environnement de la sécurité mondiale, a indiqué le ministère de la Défense nippon. Toutefois, cette course aux dépenses n’est pas de nature à calmer les critiques récurrentes de Pékin vis-à-vis d’un retour du militarisme nippon.
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