ANALYSES

Un homme de conviction

Correspondances new-yorkaises
5 novembre 2019


Le président des États-Unis est en colère et ne se prive pas de le faire savoir. Et cela n’a rien à voir avec le fait qu’il vient d’être hué par une grande partie des spectateurs du Madison Square Garden à New York lors d’une soirée de l’UFC, la plus grande organisation de MMA (Mixed Martial Arts), six jours après des sifflets récoltés dans un stade de base-ball.

Non. Les raisons de la colère présidentielle sont toutes autres. Il y a une dizaine de jours, le leader du monde libre a dit à son entourage regretter la disparition du bouton physique d’accueil sur les iPhones. Une critique sans équivoque dont il a ensuite publiquement fait part via Twitter au principal intéressé, à savoir Tim Cook, le patron d’Apple en personne. « Pour Tim : le bouton de l’iPhone était BIEN mieux que le swipe ! » a-t-il ainsi déclaré.

Le Donald avait auparavant un smartphone Android, mais s’est laissé tenter par un iPhone en mars 2017. Juste avant qu’Apple abandonne le bouton physique d’accueil de ses modèles haut de gamme, au profit d’une utilisation 100 % tactile.

On imagine donc facilement le choc éprouvé le 25 octobre dernier par le locataire de la Maison-Blanche découvrant après avoir ouvert la boîte de son nouvel iPhone 11 ce changement aux répercussions catastrophiques.

Cet événement totalement inattendu a sans aucun doute entaché l’allégresse qui allait deux jours plus tard suivre l’élimination d’Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’organisation État islamique -mort par ailleurs comme un chien et un lâche -.

Preuve en est de son désarroi, le commandant en chef de la plus puissante armée de l’histoire n’a cessé de répéter pendant des jours et des jours que Steve Jobs devait se retourner dans sa tombe. Et cela encore à l’issue d’une conférence de presse le 1er novembre au cours de laquelle il venait de déclarer pour résumer la position américaine en Syrie, « nous avons laissé des soldats juste parce que nous gardons le pétrole. J’aime le pétrole ».

Le deuxième plus grand président américain de tous les temps -le premier étant Abraham Lincoln- est par ailleurs un habitué des commentaires publics sur les produits de la marque à la pomme. Ainsi, en septembre 2013, c’était la taille de l’écran de l’iPhone qui posait problème. « Je n’arrive pas à croire qu’Apple n’ait pas sorti un iPhone avec un écran plus grand. Samsung va en profiter ».

Quand je pense que l’on a dit que le Donald n’avait pas de suite dans les idées !

Post-scriptum : Pendant ce temps-là, au Proche-Orient la situation devient de plus en plus chaotique. En Irak, les morts se comptent maintenant par centaines ; une situation humanitaire insoutenable s’installe en Syrie ; la révolte libanaise contre une classe politique inamovible et corrompue pourrait à terme déboucher sur la fin du système multiconfessionnel, chose positive en soi, mais qui risquerait d’ouvrir tous les accès du pouvoir à la communauté chiite et donc au Hezbollah client de l’Iran ; etc.

Mais bien évidemment tout cela n’est qu’accessoire. Et puis on dit à Washington que le spécialiste de l’immobilier Jared Kushner va bientôt présenter la seconde partie de son plan. Ça réglera au moins enfin le conflit israélo-palestinien !

 

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Essayiste et chercheur associé à l’IRIS, Romuald Sciora vit aux États-Unis. Auteur de plusieurs ouvrages sur les Nations unies, il a récemment publié avec Anne-Cécile Robert du Monde diplomatique « Qui veut la mort de l’ONU ? » (Eyrolles, nov. 2018). Son prochain ouvrage, « Pauvre John ! Le cauchemar américain », sortira début 2020 chez Max Milo.
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