Mali, Burkina Faso et Niger : de l’enthousiasme à la désillusion

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Le Sahel central (Mali, Burkina Faso, Niger) est confronté à un enchevêtrement de crises sociales, économiques, démographiques, climatiques et politiques qui s’auto-alimentent et fragilisent durablement la région. L’échec des politiques publiques, la pauvreté grandissante, l’explosion démographique, la vulnérabilité climatique, les tensions ethniques et religieuses, ainsi que la montée des extrémismes, la remise en cause des libertés publiques et des institutions par des pouvoirs autoritaires et enfin les ingérences étrangères, ont engendré un environnement instable et dangereux. La majorité des territoires échappe désormais au contrôle de l’État, la violence contre les civils explose, et une partie de la jeunesse, privée de perspective, se tourne vers des mouvements radicaux.

Cette situation de chaos favorise l’intervention de puissances étrangères aux intérêts divers, accentue le rejet des modèles occidentaux, et fait du Sahel un nouvel épicentre de luttes idéologiques et d’affrontements armés. Face à ce risque d’embrasement généralisé, il devient essentiel que les États voisins se protègent du risque de contamination, pour contrer la montée des régimes autoritaires et des dérives religieuses fondamentalistes.

L’euphorie initiale du renversement des régimes démocratiques au Mali, Burkina Faso et Niger a laissé place à une réalité dramatique : loin d’apporter la stabilité promise, les juntes ont en fait amplifié les fragilités des États et facilité la progression des groupes djihadistes. Au Mali, comme l’explique Francis Laloupo  la junte militaire s’est « comportée comme une alliée, certes involontaire, mais objective, de la terreur djihadiste » en multipliant décisions liberticides et ruptures institutionnelles, affaiblissant l’État face à l’expansion du Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), qui menace désormais même la capitale Bamako par le contrôle du carburant et l’asphyxie économique. Cette situation, directement nourrie par l’instabilité post-putsch, fait écho à ce qui se joue au Niger et au Burkina Faso où, en refusant la coopération régionale et internationale et en préférant de nouveaux partenariats russes ou chinois, les juntes n’ont en rien résolu la crise sécuritaire, mais l’ont aggravée, comme l’attestent la militarisation désespérée des administrations et l’abandon a priori inéluctable du terrain aux groupes armés.

Au moment des coups d’État, de la chute des régimes de liberté, de la mise au pas des pouvoirs judiciaires ou encore de la presse, du départ des forces françaises, une part importante des voix panafricanistes, sur les plateaux, réseaux sociaux et tribunes, s’enthousiasmait pour la « libération » du Mali puis du Sahel, appelant à en finir avec une supposée mainmise occidentale et à embrasser des « solutions africaines ».

Or, face au désastre sécuritaire patent, à l’illusion d’un retour à la vie démocratique, et à la dépendance nouée avec Moscou, ces mêmes voix, qu’elles soient intellectuelles, militantes ou populaires, se taisent, n’assumant plus publiquement les conséquences du chaos actuel.

Tel que le souligne Hervé Mahicka (expert en gouvernance et stratégies de développement), le panafricanisme se réduit de plus en plus à un rejet aveugle et viscéral de l’Occident et de la France notamment et à un néo-souverainisme de façade, alors qu’il est devenu silencieux par exemple sur la nécessité d’une réelle intégration régionale pourtant incontournable à terme. En lieu et place, le discours « anti-impérialiste » n’a abouti qu’à remplacer une dépendance par une autre et à ouvrir, dans les faits, la porte aux forces djihadistes.

La tragédie actuelle au Mali, au Burkina Faso et au Niger contraste crûment avec les espoirs portés par certains commentateurs et militants extrémistes, qui s’exprimaient bruyamment depuis 2020 au Sud comme au Nord. Ceux qui se réjouissaient du départ des Occidentaux, des liens rompus avec les organisations régionales africaines, du retour à une « souveraineté » illusoire et des nouveaux partenariats de paille avec la Russie se retrouvent « aux abonnés absents », incapables de défendre des choix politiques dont les conséquences pour les populations sont désormais manifestes : aggravation du chaos, effondrement des institutions, perte de légitimité, repli sécuritaire et dynamique régionale à l’abandon.

Le silence actuel de ces tenants d’un panafricanisme d’apparat révèle la profonde crise de crédibilité d’une idéologie qui n’a pas résisté à l’épreuve des faits.