ANALYSES

Rencontre Trump-Kim : vers un réchauffement des relations ?

Interview
1 juillet 2019
Le point de vue de Barthélémy Courmont


Dimanche 30 juin se sont rencontrés Donald Trump et Kim Jong-un à Panmunjom, zone démilitarisée proche de la frontière sud-coréenne, un peu plus d’un an après leur premier sommet de Singapour et l’échec de celui de Hanoï en février dernier. C’est une visite historique, car jamais un président américain n’avait rencontré le plus haut responsable nord-coréen à l’une des frontières les plus emblématiques de la guerre froide. Quels sont les enjeux de cette rencontre ? Peut-elle contribuer à apaiser les tensions dans la péninsule ? Éclairage par Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l’IRIS.

Où en étaient les relations entre Kim Jong-un et Donald Trump avant cette rencontre historique ?

Elles sont visiblement toujours restées bonnes depuis la première rencontre, à Singapour, il y a un peu plus d’un an. Le problème venait surtout de la confiance que l’administration américaine plaçait en la Corée du Nord, en particulier depuis la reprise des tirs de missiles, et de la confiance que Pyongyang plaçait en Washington face aux blocages sur la levée partielle des sanctions et à la mise en avant de l’impératif d’une dénucléarisation comme préalable à tout accord. Mais les deux hommes n’ont pas affiché d’hostilité réciproque, et d’ailleurs le tweet de Donald Trump, qui invitait Kim Jong-un à le retrouver pour « dire bonjour » est intéressant à cet égard. Gageons qu’en s’émancipant de ses conseillers, au premier rang desquels John Bolton, Donald Trump a pu surmonter les obstacles que le sommet de Hanoï, en mars, avait révélés.

Cette visite « extraordinaire » d’un président américain sur le sol nord-coréen va-t-elle avoir une portée politique significative ? Les négociations sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne peuvent-elles reprendre ?

Les symboles peuvent, dans certains cas, avoir un impact plus fort que de grandes politiques. Moon Jae-in, le président sud-coréen, l’a bien compris, en se rendant en Corée du Nord il y a quelques mois. L’impératif dans la relation avec Pyongyang est l’établissement d’un climat de confiance, qui fait défaut depuis des décennies. Et cela ne se construira qu’avec des symboles, des gestes répétés et ensuite, uniquement, avec des accords. Mais on ne peut pas se mettre d’accord et régler des différends aussi nombreux et difficiles tant que cette confiance ne sera pas rétablie. C’est justement la force de la démarche de Donald Trump. On peut reprocher au président américain son manque de préparation, voire son amateurisme, sur un dossier aussi sensible, notamment quand il se passe d’experts du nucléaire lors de ses échanges avec les Nord-Coréens. Mais dans le même temps, il parvient à rétablir le dialogue, là où tous ses prédécesseurs ont échoué, sans doute parce qu’ils plaçaient les conditions de la reprise du dialogue à un niveau inacceptable pour Pyongyang.

En clair, la priorité ne doit pas être la dénucléarisation, celle-ci étant évidemment souhaitable mais prématurée. La priorité doit être la pacification et l’établissement d’un climat de confiance. Peu importe ce que les dirigeants décident, tant qu’ils se mettent d’accord pour éviter une escalade, ils ouvrent la porte aux futures négociations. Donc oui, ces dernières pourront reprendre, en temps voulu. En attendant, il faudra aborder la question de la pacification, et pourquoi pas d’une levée partielle des sanctions, que de nombreux pays, Séoul en tête, appellent de leurs vœux.

Dans ce contexte, où en sont les tentatives de rapprochement entre la Corée du Nord et la Corée du Sud ?

La rencontre Trump-Kim est une bonne nouvelle pour Moon Jae-in et sa politique de main tendue au Nord. Depuis début 2018, au départ sans le soutien de Washington, puis avec la participation de Donald Trump, la Corée du Sud s’est engagée dans une série d’initiatives visant à pacifier la péninsule, et à réfléchir à des coopérations futures. En déplacement en Corée du Nord, le président sud-coréen était ainsi accompagné de nombreux investisseurs, et Séoul pousse à une normalisation des relations avec Pyongyang.

Le succès de la diplomatie sud-coréenne depuis dix-huit mois doit inciter la communauté internationale à la soutenir avec force, et en ce sens l’initiative de Donald Trump, quelles que fussent ses intentions, doit être saluée.

 
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