ANALYSES

Theresa May : la meilleure défense, c’est l’attaque

Tribune
20 janvier 2017
Par Jordi Lafon et Benjamin Lory, étudiants à IRIS Sup’
Après de longs mois de flou Theresa May apporte une certaine clarté sur son plan de sortie de l’Union européenne (UE). La Grande-Bretagne annonce sa sortie complète des institutions européennes, tant économique que politique et judiciaire. Le ton de l’annonce se voulait offensif pour satisfaire les attentes de sa population.

Depuis quelques mois l’évolution au sein de l’opinion publique britannique a montré que la préoccupation principale n’était plus la liberté de commercer mais la liberté de mouvement des travailleurs au sein de l’UE. Tendance soulignée par Philip Hammond1 lors de son interview du 15 janvier et des récents sondages d’opinion2. Le discours de la première ministre répond à cette préoccupation en annonçant la sortie du Royaume-Uni du marché unique et la récupération de l’exercice de souveraineté sur ses propres frontières.

S’adressant ensuite à ses futurs partenaires de négociation, la cheffe du gouvernement britannique se montre offensive, elle déclare préférer ne pas signer d’accord plutôt qu’un mauvais accord avec l’UE. Insistant sur le formidable potentiel du marché mondial pour l’Angleterre, elle rappelle la ligne politique définie par Churchill en son temps : « Chaque fois que nous devrons choisir entre l’Europe et le grand large, nous choisirons le grand large ». D’autant que les récentes déclarations de Donald Trump vont dans son sens. Dans son discours Mme May rappelle que pour le président-élu, le Royaume-Uni est bien prioritaire dans son agenda commercial.

Une telle stratégie signifie d’important bouleversement dans les débouchés commerciaux britanniques étant donné que l’UE est de loin le premier partenaire du Royaume-Uni, pour les exportations comme pour les importations (au moins 36,5% des exportations et 44% des importations3). La Grande-Bretagne devrait se tourner naturellement vers ses autres principaux partenaires commerciaux : la Chine, les Etats-Unis mais aussi l’Inde puisque Theresa May évoque un réveil du Commonwealth. La part de ces derniers dans les échanges commerciaux britanniques reste toutefois moins importante : 15% des exportations et 9,2% des importations pour les Etats-Unis, 6% des exportations et 10% des importations pour la Chine. En revanche le Royaume-Uni reste un partenaire secondaire pour ces deux pays. L’Inde est aujourd’hui un petit partenaire commercial avec moins de 2% des exportations et des importations. Quelles voies peuvent prendre les relations commerciales entre Royaume-Uni et ces trois pays ?

La mise en place d’accords de libre-échange entre le Royaume-Uni et ces trois pays semble réalisable, mais encore faut-il que les parties soient mutuellement intéressées par les produits qu’ils ont à offrir et dont ils ont besoin. Cela ne semble pas être le cas. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne exportent sensiblement les mêmes produits. De plus, la Grande-Bretagne bénéficie d’un excédent commercial avec les Etats-Unis. Malgré la future bonne relation annoncée, Donald Trump pourrait se révéler un adversaire redoutable s’il repend sa logique de rééquilibrage du commerce américain. La Chine sera un partenaire tout autant redoutable vu la position qu’elle sera amenée à jouer à moyen-long terme dans le monde. A court terme, son industrie d’assemblage continue de demander principalement des composants électroniques et de l’énergie, produits qui ne font pas partie des facilités d’exportations britanniques. L’Inde est le cas le plus intéressant et pourrait offrir des débouchés permettant de prendre le relais d’un ralentissement du commerce avec l’UE. Cependant, il faut garder à l’esprit que l’Inde reste encore aujourd’hui un pays relativement fermé au commerce. Un accord commercial entre ces deux pays n’est envisageable qu’à long terme.

La partie s’annonce donc compliquée pour la Grande-Bretagne. Il apparaît très délicat de trouver un remplaçant à l’UE. Surtout que le commerce représente 56,8% de son PIB. Theresa May affirme qu’une absence d’accord serait préférable à son pays qu’un mauvais accord avec l’UE. Une question s’impose : qu’est-ce que Theresa May considère comme un mauvais accord ?

1 Hammond threatens EU with aggressive tax changes after BrexitThe Guardian (15/01/17)
UK increasingly likely to prefer control over immigration than access to free trade, Orb International (09/01/17)
3 Chiffres cumulés de sept pays principaux : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Irlande, Pays-Bas. Société Générale : données import/export (sources OMC, Banque Mondiale). HM Revenue and Customs
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