ANALYSES

La COP21 saura-t-elle éviter de répéter les échecs des précédents sommets sur le climat ?

Interview
16 octobre 2015
Le point de vue de Bastien Alex
Quel bilan peut-on aujourd’hui dresser des contributions nationales à la COP21 ? Quelles sont les prochaines étapes ?
Jusqu’à aujourd’hui, ce sont 146 pays qui ont déposé une contribution, l’ensemble regroupant environ 87% des émissions mondiales. La deadline était fixée au 1er octobre. Toutefois, les pays qui l’ont dépassée, comme l’Inde qui a remis sa contribution le 2 octobre à l’occasion de l’anniversaire de la naissance de Gandhi, devraient les voir comptabiliser. La contribution de New Delhi, 3e émetteur mondial derrière la Chine et les Etats-Unis, était d’ailleurs très attendue. Qualifiée d’ambitieuse, elle repose principalement sur l’augmentation de la génération d’électricité à partir des énergies renouvelables, dont le pays veut porter la part de 30% aujourd’hui à 40% d’ici 2030, et sur une réduction de l’intensité carbone de son PIB (émissions par point de PIB) de 33 à 35 % d’ici 2030 par rapport à 2005. Cependant, le pays a pris soin de ne pas proposer d’objectifs de réduction d’émissions en tant que tels, attendant des garanties supplémentaires des pays développés. En effet, l’Inde demande plus de visibilité sur les fonds que débloqueront les pays du Nord à partir de 2020. Elle invoque la responsabilité historique de ces derniers dans la hausse des émissions et insiste sur la justice climatique et l’équité en défendant un comptage des émissions par habitant et non en valeur absolue, méthode qui, sans être totalement illégitime, l’avantagerait. Le Brésil a également déposé une contribution ambitieuse (réduction de 37% des ses émissions d’ici 2025 par rapport à 2005), bien que la méthodologie de comptage et de contrôle des objectifs ne soit pas toujours très détaillée. En revanche, les principaux pays de l’OPEP (Arabie Saoudite, Iran, Emirats arabes unis, Koweït, Nigeria, Qatar, Venezuela) n’ont pour leur part pas déposé de contributions. A charge maintenant pour le secrétariat de la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatique (CCNUCC) de faire la synthèse de l’ensemble des contributions et de produire un document qui servira de référence à Paris pour déterminer l’ampleur des efforts de chacun et les ajustements à effectuer pour répartir « équitablement » le fardeau. Enfin, si le draft de l’accord a été réduit à 20 pages, et il faut là saluer le travail des deux co-présidents de la COP, Ahmed Djoghlaf et Dan Reifsnyder, cela ne garantit pas que les dispositions contraignantes soient au centre du document.

Si certaines conditions apparaissent favorables à l’obtention d’un accord, ne risque-t-on pas une nouvelle fois de voir se dessiner deux clans, celui partisan d’un accord contraignant et celui partisan d’un compromis minimaliste et de répéter les échecs des précédents sommets dans ces conditions ?
Il est vrai que le contexte est plutôt positif : les contributions sont nombreuses, le volume du brouillon de l’accord se réduit, la mobilisation citoyenne se fait toujours plus forte autour de ces enjeux. Toutefois, cela n’écarte absolument pas la possibilité d’une confrontation très marquée lorsqu’il faudra répartir l’effort de réduction restant, qui sera considérable. En effet, les ONG qui effectuent régulièrement le bilan des contributions, comme Climate Action Tracker, nous placent pour l’heure sur une trajectoire de 2,7°C, bien loin des 2 voire 1,5°C que s’est fixé comme objectif la communauté internationale. Les vieilles divisions entre Nord et Sud, la Chine et l’Inde ralliant l’ensemble des pays à leur cause en cas de manque d’engagement des pays développés sur les questions de financement, pourraient ressurgir à la moindre incartade. La dernière session de préparation des négociations qui se tiendra à Bonn la semaine prochaine promet d’être décisive, tout comme les ultimes rendez-vous, notamment la « pré-COP » qu’organisera la France du 8 au 10 novembre, sorte de répétition générale pour tenter de désamorcer les tensions et de prévenir les affrontements au moment des négociations de décembre.

Il semble demeurer des raisons de douter que les promesses seront tenues. Qu’en est-il réellement ?
Le caractère contraignant de l’accord sera déterminant car, pour l’instant, il reste difficile de savoir ce que l’on retiendra dans cette catégorie et quel sera véritablement le contrat que devront honorer les différentes parties, sachant que des sanctions en cas de non-respect sont très probablement à exclure. De plus, des interrogations persistent sur les financements après 2020, bien qu’un récent rapport de l’OCDE remis début octobre ait estimé à 61,8 milliards de dollars les promesses de dons et financements publics bilatéraux issus des banques de développements destinés à l’adaptation au changement climatique. Ajouté aux 10,2 milliards du Fonds vert pour le climat, le total dépasse les 70 milliards et nous rapproche de l’objectif de 100 milliards pour 2020 mais ne nous dit rien pour la suite. Il faudra attendre les derniers rounds préparatoires pour espérer disposer d’éléments concrets sur ce sujet qui sera au centre des négociations, bien qu’il est également probable que les pays conservent secrète jusqu’au dernier moment leur principale carte, soit les concessions qu’ils seront prêts à accorder pour faire avancer le compromis.
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