ANALYSES

Serment d’allégeance aux armes : rétrograde ou civique ?

Presse
21 septembre 2011
Jean-Vincent Brisset - Atlantico
L’UMP a annoncé ce mardi sa volonté d’inscrire dans son projet pour 2012 "un serment d’allégeance aux armes" qui interviendrait lorsque les jeunes Français atteindraient leur majorité ou, pour les étrangers, lors de leur naturalisation. S’agit-il d’une mesure à visée électoraliste ou doit-on y trouver un sens plus profond ?

C’est quelque chose qui se fait dans beaucoup de démocraties. En France, où on n’aime pas beaucoup les serments, cela fait hurler. Malgré tout, j’ai l’impression qu’il y a une base d’électeurs de plus en plus grande intéressée par ce type de propositions. Nous sommes allés très loin du côté du non-respect de certaines valeurs. On risque désormais d’aller très loin de l’autre côté. C’est un système de balancier.


Sur le fond, la France n’a pas de quoi équiper la totalité des réservistes, sauf en cas d’invasion, mais cela ne risque pas de se produire de si tôt. "La nation en armes", plus aucun pays n’y pense ! Il existe quelques réservistes, des armes beaucoup plus techniques utilisées par un personnel nécessaire et suffisant. L’intérêt de cette proposition consiste donc à revenir dans un système moral, à un retour au système de "réarmement moral" qui passe par plusieurs valeurs : par l’éducation civique, par des gens – de droite comme de gauche – qui proposent d’encadrer les délinquants par des militaires, par le retour de la morale à l’école. Un clivage social est en train de se former autour de ces questions.


Ce serment d’allégeance aux armes ne correspond donc pas "à prendre son fusil" pour défendre son pays ?

Non, car cela est techniquement impossible. Le dernier qui ait essayé, c’est Michel Debré qui a distribué des armes à la population de Paris lors du Putsch des généraux en Algérie.


Aujourd’hui, l’intérêt consiste à empêcher l’absence de civisme. Ce n’est donc pas une adhésion physique, mais une adhésion morale qui devrait avant tout être demandée. Une adhésion à des valeurs de défense, pas seulement militaires, opposées à toute menace de quelque nature qu’elle soit qui correspond à une attaque contre la France.


La finalité de la mesure ne serait-elle pas d’insérer les étrangers pour qu’ils se sentent davantage Français ?

Nous sommes effectivement en train de rendre l’acquisition de la nationalité française plus formelle. Auparavant, c’était un simple papier qu’on récupérerait au commissariat, aujourd’hui cela devient une cérémonie.


Cette mesure intervient dans un contexte de plan d’austérité où sont réduites les dépenses en matière de défense… Cette proposition joue-t-elle un rôle de compensation symbolique ?

Il est certain que cela permet à l’UMP de montrer qu’elle est favorable aux valeurs de défense nationale. Mais la défense reste une variable d’ajustement. Les gouvernements de gauche comme de droite ont diminué les crédits de la défense dès qu’ils avaient besoin d’argent.


Le premier Président de la République qui a annoncé qu’il allait baisser les moyens mais aussi les missions des militaires, c’est Nicolas Sarkozy. Auparavant, les Présidents indiquaient vouloir faire pareil avec moins. Avec le livre blanc de 2008, le Président de la République a calibré les objectifs avec les moyens.


En tant que militaire, que pensez-vous de ce serment allégeance ?

Ça me rappelle de mauvais souvenirs. J’ai assisté à ça personnellement une fois, à Brasília, et cela m’a donné l’impression d’un système un peu "facho". Je suis fils de militaire, rentré dans les forces en 1969, aviateur d’origine : cela ne correspond pas vraiment à la tradition.


Cependant, globalement, un tel serment marque un signe positif : c’est une bonne chose que l’on revienne au civisme. C’est la forme du "serment d’allégeance aux armes qui me gêne". Mais revenir à plus de droiture, je suis pour.


Reste qu’au final, selon moi, cette proposition n’est qu’un ballon d’essai lancé à l’opinion afin de voir les réactions qu’elle engendre. Elle sera de toutes façons affinée, voire supprimée.

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