ANALYSES

Opération Serval, un an après : quel bilan ?

Interview
14 janvier 2014
Le point de vue de Pascal Boniface
Un an après, comment évaluez-vous l’opération Serval ? Peut-on considérer que les principaux objectifs militaires ont été atteints ?
Un an après, les résultats restent, bien sûr, provisoires mais on peut dire que le pire a été évité. S’il n’y avait pas eu d’intervention, les djihadistes seraient probablement arrivés jusqu’à Bamako et le Mali aurait pu devenir un sanctuaire pour eux pour le plus grand malheur des Maliens. Aussi, une fois l’aéroport de Bamako sous contrôle, une intervention pour déloger ces djihadistes aurait été beaucoup plus difficile. La France a su réagir aux événements dans un cadre légal et international, et ce, à la demande des autorités légitimes et légales – le Président malien n’était pas élu mais c’est bien lui qui représentait le Mali –, avec l’assentiment des pays de la région et le feu vert onusien.

Même si le Mali n’a pas recouvré complètement son intégrité territoriale, il semble que le pays a retrouvé une certaine stabilité. Aussi, quel est l’avenir de la présence militaire française sur le territoire malien ?
Effectivement, dans un second temps, il fallait déloger les djihadistes du Nord du Mali. On peut considérer que cette opération est essentiellement réussie, même si elle ne l’est pas totalement – on l’a vu récemment avec l’assassinat de deux journalistes français. S’il est vrai qu’il existe encore des poches de djihadistes qui résistent et continuent à utiliser les armes et que la situation n’est pas sous contrôle à 100 %, il reste que l’essentiel a été accompli. Aujourd’hui, l’important se situe au niveau politique puisque la solution n’est pas militaire. Ce travail politique implique notamment une réconciliation nationale et l’instauration d’un dialogue entre Maliens, processus dans lequel la France ne peut pas intervenir directement. Elle peut faciliter les choses, être à l’écoute, se positionner comme un partenaire mais elle ne peut en aucun cas se substituer aux Maliens pour effectuer ce travail. D’ailleurs, non seulement on lui reprocherait de vouloir le faire mais la France échouerait dans cette tâche puisqu’elle n’en a pas les moyens.
Concernant la présence militaire française au Mali, nous sommes en période de réduction. Les troupes françaises resteront a minima et plus tôt elles pourront partir, mieux ce sera. Mais un départ complet et immédiat serait certainement prématuré, compte tenu des enjeux de sécurité. C’est pourquoi les Français et les Maliens négocient afin de trouver une solution. Les Français sont désireux de partir car ils sont très conscients des pièges d’une présence militaire qui peut être initialement souhaitée mais qui devient plus lourde à supporter par la suite. Il n’y a donc pas de volonté française de « s’incruster » militairement au Mali. Mais partir pour retrouver un espace vide et redonner aux djihadistes la possibilité de reprendre pied est également une situation à éviter.

Après le Mali, la France se trouve désormais engagée en République centrafricaine. Peut-on parler d’ingérence ?
Effectivement, il existe toujours des accusations de retour à la Françafrique, notamment avec la conjonction entre l’opération au Mali et celle en Centrafrique. Au final, il faut bien voir que dans les deux cas la France se serait fort bien passée de ce type d’interventions qu’elle n’a pas souhaitées. Elle s’est vue, en quelque sorte, contrainte d’intervenir et, une fois encore, il ne faut pas comparer les deux situations. Evidemment, chacun aurait préféré que ces interventions ne soient pas nécessaires et que l’armée malienne, d’un côté, et les forces centrafricaines, de l’autre, soient suffisantes pour restaurer l’ordre, l’autorité et l’Etat de droit dans chacun des deux pays. Mais, nous ne vivons pas dans un monde idéal et visiblement cela n’était pas possible. La France est intervenue pour empêcher le pire, l’arrivée des djihadistes à Bamako et l’extension de massacres et d’une guerre civile sur une plus grande échelle en République centrafricaine. On peut penser très raisonnablement que, sans l’intervention de l’armée française, ces massacres auraient été plus importants que ceux auxquels on a assisté. Bien sûr, la paix totale n’a été rétablie ni au Mali ni en Centrafrique. Néanmoins, on peut dire que le Mali est sur la bonne voie et que la Centrafrique a évité le pire. La France a plus agi par réaction que sur un plan établi à l’avance. Certes, on peut arguer que les plans étaient prêts mais toutes les armées du monde planifient en permanence au cas où une crise éclaterait. En tous les cas, ce n’est pas un plan de la France à long terme pour reconquérir une place coloniale perdue en Afrique. Elle n’a rien demandé et elle est d’ailleurs presqu’à la limite de ses capacités. Il faut espérer – et je pense que tous les responsables français le souhaitent – qu’il n’y ait pas de troisième intervention. Enfin, si certains ont pu parler de retour à la Françafrique dans la mesure où les événements ont remis au premier plan des personnes comme Idriss Déby, Paul Biya ou Denis Sassou-Nguesso – qui représentent plus le passé que l’avenir de l’Afrique –, les interventions françaises ont été là pour empêcher le pire de survenir.
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