ANALYSES

Tensions dans la péninsule coréenne : climat d’avant-guerre ou propagande ?

Interview
2 avril 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
Les tensions entre la Corée du Nord, d’une part, et la Corée du Sud et les Etats-Unis, d’autre part, s’intensifient depuis quelques semaines. Quel est le but de Kim Jong-un ?
Le but principal de Kim Jong-un est de renforcer son pouvoir sur le plan personnel mais aussi au niveau interne : tout nouveau dirigeant, très jeune de surcroît, sa légitimité au sein du pays n’est peut-être pas suffisamment établie. Même si de l’extérieur, les images de menaces sur le territoire américain peuvent faire sourire, voire rire, celles-ci n’amusent personne en Corée du Nord car elles peuvent paraître crédibles, les Nord-Coréens n’ayant aucune autre information extérieure. Le but de l’opération pour Kim Jong-un est certainement de montrer, non pas au monde extérieur mais à sa population, qu’il s’est lancé dans un bras de fer avec les Etats-Unis et qu’il en est sorti victorieux puisque les forces impérialistes, face à la puissance de la Corée du Nord, n’ont pas osé procéder à l’attaque qu’elles avaient préparée.

Au-delà de la propagande, est-on réellement à l’abri d’un incident qui pourrait déclencher une guerre ?
Bien sûr, on n’est jamais certain qu’une guerre ne puisse éclater et l’Histoire est pleine de dérapages qui n’ont pas été contrôlés ou de provocations qui ont débouché sur des catastrophes non souhaitées. Ceci étant, l’objectif des dirigeants nord-coréens est de se maintenir au pouvoir et ils savent très bien qu’une guerre de grande ampleur contre les Etats-Unis ou même la Corée du Sud, quels que soient les dégâts qu’ils puissent leur infliger (aucun, dans le cas des Etats-Unis, puisqu’ils n’en ont pas les moyens), signifierait la fin du régime. Donc, d’un point de vue très rationnel, les dirigeants nord-coréens font de la provocation pour consolider leur pouvoir et non pas pour le perdre. Quant à la rationalité des dirigeants nord-coréens, il ne faut pas confondre celle-ci avec la différence de valeurs. On peut penser qu’un régime, qui a autant échoué et dont les dirigeants parviennent à se maintenir au pouvoir, n’est pas dénué de toute rationalité, même si ce type de rationalité n’est pas partagé par tout le monde.

Après l’embellie du début des années 2000, les rapports entre les deux Corées semblent au plus mal. Peut-on imaginer une normalisation des relations après cette période de tensions ?
Le fait est que la politique de Sunshine Policy , lancée par Kim Dae-jung (Président de la Corée du Sud de 1998 à 2003), après avoir été très prometteuse – les deux Corées avaient même signé un accord de désarmement nucléaire en 2007 – a pris fin, d’une part, parce que les Nord- Coréens ont effectivement très souvent soufflé le chaud et le froid et, d’autre part, parce qu’après 2008 et l’élection de Lee Myung-bak à la présidence, celui-ci a décidé de rompre les relations et d’avoir une ligne plus dure à l’égard de la Corée du Nord. On peut imaginer que l’on reste à ce stade où les provocations sont suivies par des périodes d’accalmie. Mais assisterons-nous un jour à un soft landing du régime nord-coréen ? Le problème est que celui-ci représente le dernier régime totalitaire de la planète et que les dirigeants nord-coréens craignent que la moindre ouverture, même la plus légère, ne l’entraine dans un mouvement qu’ils ne contrôleraient plus et, qu’à terme, ils ne perdent le pouvoir. C’est pour cela que les dirigeants nord-coréens sont plus tentés de maintenir le régime actuel, quelles que soient les souffrances que cela impose à la population, pour rester au pouvoir.
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