ANALYSES

Porte-avions chinois : la montée en puissance s’accélère

Tribune
30 avril 2013
Si l’intérêt de la Chine communiste pour les porte-avions remonte aux années 1970, le premier programme officiel de porte-avions remonte au 31 mars, 1987, lorsque la Commission de la science, de la technologie et de l’industrie pour la Défense nationale a approuvé un plan pour les porte-avions et les sous-marins nucléaires de la prochaine génération. Il fut présenté par le commandant en chef de la Marine de guerre chinoise de l’époque, Liu Huaqing. En 1988 était acquis un porte-avions soviétique inachevé à 70 %, le Varyag. Après diverses péripéties, ce porte-avions, déplaçant près de 60 000 tonnes pour plus de 300 mètres de long (soit plus que le porte-avions français Charles de Gaulle) été terminé et commissionné le 25 septembre 2012.

Pour l’instant, le Liaoning est encore en phase de tests et n’a pas de capacités opérationnelles. Mais le travail est intense. Selon Song Xue, plus de mille entreprises chinoises ont participé à la construction et au réaménagement du premier porte-avions chinois.

Le Liaoning a mené avec succès le décollage et l’atterrissage d’avions de combats J-15. Il pourrait emporter théoriquement une trentaine d’avions de combats. Mais d’autres essais aériens sont nécessaires avant que ces chasseurs-bombardiers dérivés du modèle russe Sukhoï Su-33 ne soient opérationnels.

Le contre-amiral Song Xue a expliqué que la Marine chinoise mettait actuellement en place un groupe aérien composé d’au moins deux escadrilles pour le Liaoning, comprenant à la fois des chasseurs, des avions de reconnaissance, des appareils anti-sous-marins et de brouillage électronique, ainsi que des aéronefs à décollage vertical.

La Chine s’est aussi engagée à acheter à la Russie 24 avions de chasse et quatre sous-marins, soit la plus importante vente d’armes de Moscou à Pékin depuis dix ans, a rapporté le lundi 25 mars 2013 le Quotidien du peuple , organe du Parti communiste chinois. La vente prévoit la fourniture de 24 chasseurs Soukhoï et de quatre sous-marins de classe Amour, dont deux seront construits en Russie et deux en Chine. La Chine cherche donc, à grandes enjambées, à combler son retard technologique.

Mais les limites des capacités opérationnelles du porte-avions actuel ne portent pas seulement sur le groupe aérien.

Comme le souligne un expert naval(3) : l’APL est loin d’avoir constitué un groupe naval autour du porte-avions. Certes, « les nouveaux destroyers lance-missiles de la marine semblent adéquats à des fins de défense aérienne, mais les capacités de guerre contre les sous-marins font encore largement défaut, d’autant plus que les probables adversaires de la Chine, les États-Unis et le Japon, excellent dans les opérations sous-marines. Et les navires logistiques : pétroliers, transporteurs de munitions, navires réfrigérés, représentent une autre lacune flagrante de la Marine de l’APL. »

Il demeure que cette nouvelle annonce, qui traduit la montée en puissance continue et sur tous les plans de la Marine chinoise, intervient dans une phase de grandes tensions entre Pékin et Tokyo et plus largement avec les pays riverains de la mer de Chine.

« Les relations entre la Chine et le Japon sont à leur plus bas depuis que les relations diplomatiques ont été établies en 1972 » souligne Rumi Aoyama, professeur d’études chinoises à l’Université Waseda de Tokyo. « A ce stade, il s’agit de maintenir les lignes de communication pour s’assurer que les problèmes ne s’aggravent. »

Pour prévenir les risques d’escalade, Tokyo a pris différentes mesures récentes (4) et réorienté sa doctrine de défense dès la fin 2010. Le Japon et les États-Unis ont aussi prévu de mener du 10 au 26 juin 2013 des exercices militaires conjoints en Californie simulant la reprise à des forces ennemies (chinoises) d’une île éloignée mais sous souveraineté japonaise. Les exercices conjoints arrivent à un moment où les navires du gouvernement chinois ont empiété à plusieurs reprises dans les eaux territoriales japonaises autour des îles Senkaku dans la préfecture d’Okinawa.

De son côté, hormis les incursions régulières de navires chinois, la Chine a annoncé au début du mois de mars un important accroissement en 2013 de son budget militaire. En Asie de l’Est, les tensions ne vont donc pas s’atténuer. Et selon certains rapports, les porte-avions chinois pourraient être opérationnels dans la seconde moitié des années 2010…

(1) http://www.chinadaily.com.cn/china/2013-04/24/content_16442393.htm
(2) Lire aussi : http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article6394
(3) http://thediplomat.com/the-editor/2013/04/23/chinas-new-aircraft-carrier-a-long-path-ahead/
(4) http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article7694

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