ANALYSES

République Populaire de Chine : Livre Blanc sur la Défense 2008

Tribune
28 janvier 2009
Du séisme au Sichuan aux Jeux Olympiques de Pékin, en passant par le 30ème anniversaire des réformes, 2008 a été une année extraordinaire pour la Chine. Toujours selon les rédacteurs de ce Livre Blanc, des changements historiques entre la Chine contemporaine et le reste du monde ont eu lieu, confirmant le postulat que la Chine ne peut se développer en demeurant à l’écart du monde, ni le monde jouir de stabilité et de prospérité sans la Chine. Cette dernière privilégie le chemin du développement pacifique, poursuivant une politique étrangère pacifique indépendante et une logique de défense centrée sur la protection de ses citoyens et de son territoire. Demeure selon Pékin le paradigme à privilégier d’un monde harmonieux où prévalent la paix durable et la prospérité commune.

Situation sécuritaire
Lors de la dernière décennie, le monde a subi des changements considérables et une foultitude d’ajustements, mettant notamment en exergue la globalisation et une conception multipolaire des centres de pouvoir et d’influence. La paix mondiale et le développement sont ainsi éprouvés par de multiples défis, alors que la compétition pour l’accès aux ressources s’est intensifiée. L’Impact de la crise financière internationale, des crises alimentaires et de l’énergie, complique encore cette donne.
La situation de la région Asie-Pacifique est globalement stable ; toutefois, de multiples facteurs d’incertitude malmènent cette stabilité. Dans le même temps, les Etats-Unis renforcent leur présence et leurs alliances avec des partenaires régionaux.

La sécurité de la Chine s’est progressivement consolidée. La Chine reconnaît être devancée par diverses nations développées, dans les domaines économiques, scientifiques, technologiques et militaires plus particulièrement. Pékin pense faire l’objet de manœuvres stratégiques de « containment » de la part de certains acteurs extérieurs. Dans le même temps, Pékin perçoit la menace de forces à la fois hostiles … et internes (sabotages ; séparatisme) : séparatistes œuvrant pour l’indépendance de Taïwan, du Turkestan oriental ou du Tibet menaceraient l’unité et la sécurité nationale. Dans le même temps, les USA continuent de vendre des armes à Taïwan, portant (toujours selon Pékin) un préjudice important aux relations sino-américaines.

Politique nationale de défense

La Chine poursuit une politique de défense purement défensive, plaçant la protection de sa souveraineté, sa sécurité, son intégrité territoriale, la poursuite de son développement national et la protection de sa population, au rang de priorité absolue. Pour ce faire, Pékin façonne une stratégie de modernisation de sa défense nationale et de ses forces armées en 3 temps :
– évolution vers un format « info-centré » ( informationization ) des forces armées ;
– développement coordonné de l’économie et de la défense ;
– poursuite de la réforme des forces armées.

La République Populaire promeut une stratégie de défense active , adhérant aux principes d’actions défensives, en situation d’auto-défense, menée une fois seulement après que l’ennemi eut préalablement engagé les hostilités.

Forces armées et population

En 2007 et 2008, l’armée et les forces de police ont mobilisé l’équivalent de 600 000 troupes professionnelles à temps plein, 1,4 million de miliciens et de réservistes, dans la gestion de 130 catastrophes naturelles (inondations, séisme du 12 mai 2008 dans le Sichuan, conditions ultra-hivernales de janvier 2008, etc.), venant en aide à 10 millions de citoyens. La sécurité des Jeux Olympiques de Pékin (août 2008) a fortement impliqué l’armée (46 000 soldats, 60 hélicoptères, 63 navires, etc.) et les forces de police (85 000 hommes).

Participation des forces armées à l’effort de construction

Les forces armées et de police ont participé à l’effort de développement des campagnes en œuvrant dans des projets d’irrigation et d’infrastructures. Ainsi, ce sont plus de 2000 routes et 90 000 micro-projets (cf. hydro-électricité) dans des régions reculées qui ont profité de cette collaboration. Par ailleurs, l’expertise (ingénieurs ; main d’œuvre) et les effectifs des forces armées et de police ont également été mis au profit d’autres projets tels que la construction / modernisation de 3 aéroports, de 5 centrales électriques et de 12 réservoirs d’eau, la réparation de 900 km d’autoroute, le forage de 300 puits, etc.

Budget de la défense
Le budget 2007 de la défense est sensiblement le même qu’en 2006 (1,38% du PIB, contre 1,41% en 2006). Ces deux dernières années, la hausse du budget aurait eut pour dessein de relever les soldes et les salaires, de compenser l’augmentation du coût de la vie. En 2007, le budget de la défense représentait 7,51% du budget de la défense des Etats-Unis. Le budget chinois de la défense accapare 1,38% du PIB ; les Etats-Unis 4,5%, le Royaume Uni 2,7%, la France 1,92%.


Budget 2007 de la défense (en milliards de dollars)



Participation aux opérations de maintien de la paix sous mandat onusien
En novembre 2008, la Chine déployait 1949 personnels sur 9 théâtres onusiens différents, dont une ultra-majorité d’ingénieurs et / ou médecins militaires (cf.175 en RD Congo, 568 au Liberia, 435 au Soudan, 335 au Liban, 315 au Darfour).

Echanges militaires et coopération avec l’extérieur
La RP Chine entretient des relations militaires régulières avec 150 pays ; elle ventile 109 attachés militaires dans autant d’Etats. En 2007 et 2008, les responsables chinois de la Défense ont visité une quarantaine de pays, tandis que plus de 60 délégations étrangères étaient reçues à Pékin. Cette dernière envoie de plus en plus « d’étudiants » militaires à l’étranger : 900 ces deux dernières années, dans 30 pays différents.

Post-Olympique ou non, la République Populaire de Chine ne s’est pas outrageusement dévoilée dans les 105 pages de ce Livre Blanc, 6ème du nom. Au-delà du rappel de certains principes fondamentaux agréables à (re)lire ( développement pacifique ; coexistence harmonieuse, paix durable, prospérité commune , etc.), la tendance semble toujours à une certaine opacité. A l’opacité et à une lecture sélective ; on pourra ainsi déplorer dans ce volumineux état des lieux l’absence de toute référence aux projets d’acquisition d’un / plusieurs porte-avions ou de développements sur la permanence de la menace balistique (entre 800 et 1000 missiles) déployée en direction de Taïwan, nonobstant la décrispation bienvenue des rapports entre Pékin et Taipei.