ANALYSES

Conférence sur la diversité biologique : quel est l’enjeu de ces négociations ?

Interview
15 décembre 2022
Le point de vue de Marine de Guglielmo Weber


La seconde session de la 15e Conférence des parties (COP15) sur la diversité biologique s’est ouverte le 7 décembre à Montréal, sous présidence chinoise. Initialement prévue en octobre 2020, la conférence avait dû être reportée pour des raisons sanitaires, avant d’être scindée en deux, la première phase s’étant tenue virtuellement en octobre 2021. Quels sont les objectifs de la Convention sur la diversité biologique ? À quels enjeux souhaite-t-elle répondre ? Quel rôle pour la COP15 ? Quels sont les points sur lesquels bloquent les négociations ? Le point avec Marine de Guglielmo Weber, chercheuse au sein du programme Climat, Énergie et Sécurité de l’IRIS.

Quels sont les objectifs de la Convention sur la diversité biologique et à quels enjeux souhaite-t-elle répondre ?

Cette conférence entre dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique, dont les trois objectifs sont les suivants : la conservation des écosystèmes, la durabilité de leur utilisation, et le partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques. À l’instar de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la Convention sur la diversité biologique a été actée lors du Sommet de la Terre de 1992. Depuis son adoption, cependant, l’effondrement de la biodiversité s’est poursuivi sous l’effet des activités humaines, et notamment sous l’effet des bouleversements climatiques et des pollutions induites par le système agroalimentaire et industriel. Pour résultat, l’extinction rapide des espèces – 1 million d’espèces menacées selon la Plateforme intergouvernementale sur les biodiversités et les services écosystémiques (IPBES) – révélant les prémisses d’une sixième extinction de masse.

Dans ce cadre, quel rôle doit jouer la COP15 et sur quelles questions portent les négociations ?

L’objectif premier de la COP15 est d’aboutir à l’adoption d’un cadre stratégique mondial qui doit permettre la protection de la biodiversité sur la période 2021-2030. C’est en effet la fin d’une phase (2011-2020) peu concluante en ce sens qu’aucun des vingt objectifs d’Aïchi (Japon) adoptés en 2010 n’a été rempli à l’échelle mondiale. Par ailleurs, la première phase de la COP15 avait, en octobre 2021, abouti à la déclaration de Kunming, texte consensuel n’identifiant aucune stratégie concrète. Dans le cadre du texte actuellement à l’étude à Montréal, les négociations portent sur une vingtaine de nouveaux objectifs devant mettre un coup d’arrêt à l’érosion de la biodiversité. Dans ce contexte, la question des financements, ceux à allouer aux initiatives de préservation et de restauration des écosystèmes, mais aussi ceux qui alimentent la destruction de la biodiversité, apparaît comme une question centrale. Un autre point discuté est celui de l’extension des aires protégées (protection d’au moins 30% des terres et 30% des mers d’ici 2030), qui est revendiquée par la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples (HAC Nature), coprésidée par la France et le Costa Rica.

Quels sont actuellement les points bloquants des négociations ?

Une forme de lassitude est exprimée par les pays les plus pauvres vis-à-vis des plus riches, dont les subventions pour l’aide au développement sont jugées insuffisantes au regard des ambitions portées. Aussi, les négociations sont-elles l’occasion, pour ces pays, de revendiquer un soutien financier plus fort, en l’absence duquel ils pourraient refuser tout effort pour aboutir à un accord solide. Par ailleurs, l’extension des aires protégées génère des tensions avec les peuples autochtones, qui sont les premiers garants de la défense de la biodiversité mondiale, et qui perçoivent dans cette proposition une énième réitération du modèle occidental de la conservation. Or, ce modèle s’exerce en partie par l’exclusion des populations vivant sur les aires protégées, populations qui œuvrent activement pour leur préservation et qui peinent, plus globalement, à faire entendre leur voix dans la gouvernance mondiale de la biodiversité. Il faut enfin préciser que les chefs d’État ne se sont pas déplacés pour cette conférence, alors même que la COP27 rassemblait, quelques semaines plus tôt, les leaders mondiaux à Charm-el-Cheikh. L’issue des négociations, par conséquent menées par les ministres de l’Environnement, devrait être connue le 19 décembre.
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