ANALYSES

Quand Zelensky entérine la mort de l’ONU

Correspondances new-yorkaises
13 avril 2022


La semaine dernière, le président Zelensky s’est adressé aux Nations unies.

L’homme est intelligent et connaît ses dossiers. Il savait pertinemment que ce qu’il demandait était irréalisable. Jamais la Russie ne pourrait être exclue du Conseil de sécurité. Même si un vote avait lieu sur ce sujet et même si l’impossible devenait possible, c’est-à-dire que Moscou se voyait refuser le droit de s’exprimer lors de ce vote et donc de jouer de son droit de veto, il resterait toujours la Chine pour bloquer toute initiative en défaveur du camarade Poutine.

Idem pour ce qui est d’un déploiement de Casques bleus autour de la centrale de Tchernobyl afin de protéger le site. Jamais la Russie ne permettrait cela. Et si, comme dans le cas précédent, elle était ici aussi dans l’impossibilité de faire entendre sa voix, la Chine volerait à son secours pour contrecarrer un tel projet.

Non, les demandes de Zelensky n’avaient pour objectif que de mettre « la communauté internationale » face à ses contradictions et à son impuissance. En proclamant que si l’ONU ne réagissait pas à l’agression russe, elle n’aurait plus qu’à s’autodissoudre, le président ukrainien a voulu démontrer aux Occidentaux que le système multilatéral qu’ils avaient élaboré après la Seconde Guerre mondiale ne fonctionnait plus et que l’ensemble des valeurs humanistes et démocratiques qui sont les leurs se trouvaient aujourd’hui en danger de mort.

Avec son discours, Volodymyr Zelensky aura quoi qu’il en soit entériné à la face du monde et prouvé à ceux qui en doutaient encore, le fait que l’ONU n’est plus qu’une coquille vide, guère plus efficace que la pauvre Société des nations face à l’ogre Hitler.

Merci pour cela aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité qui s’opposent depuis des décennies à toute réforme sérieuse de l’organe décisionnel principal de l’institution onusienne – voir ma correspondance Réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, la bonne blague. Merci aussi à Antonio Guterres dont l’invisibilité sur la scène internationale et le manque d’initiative sont sans précédent pour un secrétaire général des Nations unies.

Il est loin le temps où dans une situation similaire, l’invasion du Koweït par l’Irak, l’ONU était le centre des débats et où son patron, Javier Pérez de Cuéllar à l’époque, s’envolait courageusement de son propre chef pour Bagdad afin de tenter une dernière fois de convaincre Sadam Hussein de retirer ses troupes.

Cette mission fut certes un échec, mais au moins ça avait de la gueule.

——————————–

Essayiste et chercheur associé à l’IRIS, Romuald Sciora vit aux États-Unis. Auteur de plusieurs ouvrages sur les Nations unies, il a récemment publié avec Anne-Cécile Robert du Monde diplomatique « Qui veut la mort de l’ONU ? » (Eyrolles, nov. 2018). Ses deux derniers essais, «Pauvre John ! L’Amérique du Covid-19 vue par un insider » et «  Femme vaillante, Michaëlle Jean en Francophonie », sont respectivement parus chez Max Milo en 2020 et aux Éditions du CIDIHCA en 2021.
Sur la même thématique
Une diplomatie française déboussolée ?