ANALYSES

Îles Senkaku/Diaoyu : des tensions croissantes

Tribune
17 février 2021
 


Les tensions qui existent depuis plus de 10 ans entre le Japon et la Chine autour des îles Senkaku qu’administre Tokyo, mais que revendique Pékin sous le nom de Diaoyu, se sont accrues en ce début d’année. La raison : en janvier, la Chine a adopté une loi autorisant ses garde-côtes à faire usage de la force, même sans sommation, dans les eaux placées « sous juridiction chinoise ». Or Pékin estime les eaux des Senkaku comme chinoises et a procédé à une nouvelle incursion de deux navires du Corps de garde-côtes des Forces de police armées chinoises [PAPCGC] dans eaux de l’archipel Senkaku, les 6 et 7 février.

Retour sur cette « crise » et les réactions japonaises.

Après une collision entre un bateau de pêche chinois et des patrouilleurs de la Garde côtière japonaise dans la mer territoriale japonaise entourant les îles Senkaku, le 7 septembre 2010, les navires du gouvernement chinois ont commencé à naviguer dans les eaux entourant les îles plus fréquemment qu’auparavant. En août 2011, deux navires du gouvernement chinois ont pénétré dans la mer territoriale japonaise entourant les îles Senkaku, précédant un en mars 2012 et quatre en juillet de cette année-là. Le 11 septembre 2012, la propriété de trois des îles Senkaku (îles Uotsuri, Kitakojima et Minamikojima) a été transférée de citoyens privés au gouvernement japonais conformément au Code civil national. À partir du 14 septembre, sous prétexte de protester contre le transfert, les navires du gouvernement chinois ont commencé à pénétrer presque quotidiennement dans la zone contiguë du Japon.

Depuis cette date, les incursions n’ont fait que progresser créant de lourdes tensions sans provoquer la guerre, car aucun incident violent ou meurtrier n’a eu lieu, mais faisant qualifier la situation de « conflit gris » ou « zone grise ».

Toutefois, le gouvernement japonais menacé s’est senti obligé de modifier sa posture de défense qui a été réorientée du nord au sud-ouest de l’archipel nippon.

Comme le souligne le Livre blanc de la défense 2020 : « Afin de renforcer son architecture de défense dans la région sud-ouest, l’ASDF (Force d’autodéfense aérienne, armée de l’air) a créé la 9e escadre aérienne en janvier 2016, puis la Southwestern Air Defence Force en juillet 2017. La GSDF, en plus de l’unité d’observation de la côte de Yonaguni formée en mars 2016 et d’autres unités nouvellement formées, a établi une Brigade de déploiement rapide amphibie avec des capacités opérationnelles en mars 2018. De plus, la GSDF a déployé certaines unités, dont une unité de sécurité de zone à Amami Oshima, et une unité de sécurité de zone sur l’île de Miyakojima, en mars 2019. Une unité de missiles sol-air et une unité surface-navire, une unité de missiles guidés ont été déployées sur l’île de Miyakojima en mars 2020. »

Plus généralement, la marine japonaise est montée en puissance. Sur la période 2019-2023, la marine recevra 23 navires. L’objectif est de pouvoir compter sur quatre groupes navals, soit un destroyer porte-hélicoptères et deux destroyers équipés du système antimissile Aegis, dont les missiles sont co-développés avec les États-Unis, auxquels s’ajouteront deux groupes dotés de destroyers de nouveau type (FFM) aux capacités furtives multi-missions. La marine continuera en parallèle d’augmenter le nombre de ses sous-marins – avec un objectif de 22 unités. Après les sous-marins de classe Soryu, un nouveau type de sous-marin d’attaque de classe Taigei sera introduit en 2022.

Mais la marine se fait aussi plus « offensive. Elle adapte actuellement les destroyers porte-hélicoptères de la classe Izumo – navires de 248 mètres – aux avions furtifs F-35B à décollage vertical qu’elle a achetés aux États-Unis. Tokyo pourra ainsi frapper plus loin ses adversaires. Pékin est en quelques sortes averti !

Cette politique de défense des îles du sud-ouest se poursuit. Le Japan Times a indiqué mi-février 2021 que le Japon continue de monter en puissance face à cette menace. La GSDF japonaise va acheter des navires de transport dans ce contexte de montée en puissance de la Chine. Il s’agira de la première fourniture de tels navires à la GSDF, qui a amélioré ses capacités de réponse pour faire face aux nouveaux défis de sécurité dans la mer de Chine orientale. Les 3 navires – entre 2000 (1) et 400 tonnes (2) – devraient être budgétés en 2022 et mis en service en 2024. L’objectif est de pouvoir rapidement acheminer des troupes dans cette zone menacée… si besoin.

Nul doute que ceci est une réponse à une escalade croissante des moyens et des menaces chinois. Rappelons aussi que les garde-côtes chinois s’équipent de navires de plus en plus importants en taille et que la marine de guerre est de plus en plus forte avec vers 2025 un troisième porte-avions opérationnel, sans compter de puissants destroyers, des sous-marins plus performants et des navires de débarquement en nombre croissant.

Les îles Senkaku/Diaoyu demeurent une épine dans la défense japonaise et un point de tension important dans les relations sino-japonaises qui pousse malheureusement à une stérile course aux armements. Le retour à la diplomatie est-il envisageable dans ce contexte ?
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