ANALYSES

Hong Kong : jusqu’où ira la contestation ?

Interview
15 novembre 2019
Le point de vue de Barthélémy Courmont


Depuis plus de six mois, les manifestations à Hong Kong, contre le gouvernement spécial de la région chinoise, font rage. Alors que les violences semblent s’intensifier, avec la récente mort d’un étudiant, vers quel devenir se dirige Hong Kong ? Le point de vue de Barthélemy Courmont, directeur de recherche à l’IRIS.

Où en est le mouvement de protestations à Hong Kong ? Quelles sont les perspectives d’évolution à court et moyen terme ? 

La ville est pratiquement paralysée depuis quelques jours, et les affrontements y sont particulièrement violents depuis la mort d’un étudiant dans des circonstances obscures, et qui ont radicalisé un peu plus le mouvement étudiant. L’université chinoise de Hong Kong a été le terrain de violences entre les manifestants et la police, et les étudiants étrangers sont de plus en plus invités à quitter le pays pour raisons de sécurité sur les campus.

Dans la situation actuelle, le gouvernement de Hong Kong (et donc la Chine) a intérêt à ce que le mouvement se radicalise pour justifier des mesures répressives. De leur côté, certains groupes de manifestants qui pensent que le mouvement pacifique n’a aucune issue cherchent à capitaliser sur une rupture, en espérant que Pékin restera raisonnable et ne fera pas usage de la force, comme il y a trente ans place Tian Anmen. Dans ces conditions, il est à craindre que la violence ne s’installe dans un bras de fer qui dure déjà depuis des mois et est dans l’impasse, avec un impact négatif durable sur l’activité de Hong Kong. La situation est très préoccupante, et pourrait encore s’aggraver.

Quelles perspectives pour les élections des conseils des districts du 24 novembre ? Peuvent-elles être à l’origine d’un changement majeur ? 

C’est peu probable. D’une part parce que la légitimité des résultats sera remise en question. D’autre part parce que c’est l’Exécutif de Hong Kong, Madame Carrie Lam en tête, qui est dans le viseur des protestataires depuis des mois. En fait, c’est tout le système politique de Hong Kong soumis à Pékin, qui est l’objet d’un rejet de la part des étudiants. En ce sens, le mouvement actuel ne doit pas être analysé comme une crise conjoncturelle, mais comme la conséquence de la mise à mal progressive des fondements démocratiques de Hong Kong, et la poursuite du mouvement des parapluies de 2014 auquel le gouvernement n’a jamais apporté la moindre réponse.

Qu’en est-il des retombées sur la scène internationale ? Les manifestants prodémocraties ne sont-ils pas isolés face à la Chine et à leur gouvernement ?

Il convient d’abord de rappeler que la Chine fait mention de cette crise comme d’un problème de politique intérieure, et interdit donc toute ingérence dans ses affaires. C’est notamment en ce sens que la délégation française et européenne entourant Emmanuel Macron, lors de sa visite en Chine il y a quelques jours, a été reçue. Le président français a indiqué avoir fait mention, dans ses conversations avec Xi Jinping, de la situation à Hong Kong. Mais il ne faut pas se bercer d’illusions sur la capacité d’un dirigeant étranger à influencer la position chinoise sur ce point.

Pour Pékin, Hong Kong fait partie de la Chine depuis 1997, la période de cinquante ans devant simplement permettre une intégration pas à pas. On note également le peu de résonnance de ce mouvement dans le monde occidental, malgré ses références prodémocratiques et leur combat face à un régime autoritaire. Il faut évidemment y voir le poids économique de la Chine, qui rend inaudibles les contestations à l’international. Pas de dépôt de résolution à l’ONU — qui serait de toute façon rejetée par un veto chinois — ni de grandes concertations afin d’envisager des mesures de rétorsion. Les manifestants de Hong Kong sont, comme en 2014, livrés à eux-mêmes, et si les soutiens en provenance de Taïwan sont, sans surprise, très importants (comme en 2014 d’ailleurs), la communauté internationale se montre très discrète.
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