ANALYSES

COP21 : Pékin, un soutien déterminant pour la lutte contre le réchauffement climatique ?

Interview
3 novembre 2015
Le point de vue de Bastien Alex
A un mois de la COP21 à Paris, quels sont les enjeux de la visite de François Hollande en Chine ?
Les enjeux de cette visite sont simples. Il s’agit d’essayer de convaincre la Chine de prendre des positions au niveau international pour essayer de créer un effet d’entraînement vis-à-vis des autres pays émergents qui sont plutôt réticents à formuler des objectifs de réduction d’émissions. Si François Hollande ne dispose pas des leviers suffisants pour orienter véritablement la politique à la fois climatique et énergétique de la Chine, il est toutefois de son devoir de chef d’État du pays hôte de la conférence d’essayer de mobiliser les partenaires cruciaux dont fait partie la Chine, au même titre que les États-Unis.

En quoi la Chine joue-t-elle un rôle clé dans le dossier du réchauffement climatique ? Quels sont les engagements de Pékin et est-ce une avancée pour un accord à Paris ?
La Chine joue un rôle clé à plusieurs titres. Premièrement, il s’agit aujourd’hui, et ce depuis une petite dizaine d’années, du principal émetteur de gaz à effet de serre. C’est aussi l’un des leaders du monde en développement et un pays qui est en phase de transition. La Chine était en effet longtemps considérée comme un pays en développement, exemptée de réductions d’émissions sous le régime précédent de Kyoto et est aujourd’hui dans une position ambivalente, où elle est à la fois un pays en développement, une puissance émergée mais également le premier pays émetteur, ce qui lui a valu de nombreuses critiques de la part d’autres pays parmi les moins avancés (PMA) ou les membres de l’Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS). Pékin doit ainsi montrer la voie et réduire ses rejets d’émissions de CO2. Par ailleurs, c’est un pays qui peut jouer le rôle d’arbitre entre des pays développés, trop concentrés sur les objectifs d’atténuation, et des pays émergents qui ne souhaitent rester mesurés sur leurs efforts sur ce dossier et attendent des garanties de la part des pays développés sur la question des financements, des transferts de technologies, de l’adaptation ou encore du mécanisme pertes et dommages. La Chine peut ainsi à la fois servir d’arbitre et de capitaine pour mobiliser.
Concernant les engagements de Pékin, ils sont pour l’heure assez symboliques. Il y a effectivement la volonté de situer son pic d’émission autour de 2030 et l’idée de créer un marché carbone dès 2017. Les éléments dans la déclaration commune entre la Chine et la France sont finalement très généraux et inspirés des objectifs de la COP21 de limiter le réchauffement de 2 degrés et d’avoir un accord contraignant. La déclaration commune n’est pas un accord international mais finalement le minimum vital pour le déplacement de François Hollande en Chine dans le contexte de préparation de la COP21. Des engagements certes limités mais qui, parce qu’il s’agit de la Chine, revêtent une dimension intéressante sur le plan international.

Selon le souhait de François Hollande, la Chine peut-elle influencer les pays hésitants ?
Il est difficile d’y répondre. La France ne peut bien entendu pas influencer directement la Chine. Elle mobilise les troupes en tant que pays hôte présidant la conférence. La Chine peut effectivement essayer d’entrainer les plus sceptiques et les plus rétifs à prendre des engagements, notamment l’Inde. Se pose toutefois la question de la position chinoise, le pays n’ayant pas formulé d’objectifs de réduction précis. L’Inde ne l’a pas fait non plus. Dans ces conditions, comment la Chine pourrait-elle exiger de l’Inde ce qu’elle se refuse, pour l’heure, à faire elle-même ? Il est ainsi difficile de connaître les leviers dont elle dispose exactement pour influencer les autres pays. Cela peut sans doute les amener à se montrer davantage conciliants et moins exigeants sur les propositions qui seront faites par les pays développés sur les questions de financement mais il n’y aura pas de miracle. La Chine peut favoriser un mouvement mais ne peut contraindre les autres pays en développement à fournir des objectifs de réduction. N’oublions pas non plus que si elle adopte cette attitude « constructive », c’est aussi et surtout parce qu’elle est compatible avec la défense de ses intérêts nationaux.
Il faut malgré tout rester optimiste sur l’issue de la conférence pour deux raisons. D’abord parce qu’obtenir un accord universel regroupant 195 parties acceptant une révision quinquennal des objectifs serait déjà une victoire ; ensuite parce que le fait que l’accord ne résolve pas tous les problèmes posés n’empêche pas de continuer à avancer sur le plan national, comme l’a montré la Chine. Les conditions sont aujourd’hui réunies pour qu’il y ait un accord mais pas pour qu’il surmonte l’ensemble des difficultés. L’on sait déjà que la dimension contraignante ne sera pas au centre de l’accord. C’est éminemment regrettable mais nous aurions tort d’imaginer le contraire, ce sont les leçons de l’histoire des traités internationaux. Il faut en être conscient et ne pas présenter la situation uniquement de façon binaire (échec/succès) pour éviter l’effet « gueule de bois » qui avait beaucoup pesé après Copenhague en 2009.
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