ANALYSES

Elections au Maroc : pourquoi le parti islamiste est-il toujours aussi populaire ?

Interview
8 septembre 2015
Le point de vue de Kader Abderrahim
Comment comprendre la réussite électorale du parti islamiste Justice et Développement (PJD) aux récentes élections locales au Maroc ?
La réussite électorale du PJD aux élections municipales et régionales est une surprise puisque depuis leur succès en 2011 et leur accession à la direction du gouvernement, les islamistes n’ont cessé de renforcer leur implantation locale et nationale. Et même si ces élections ne représentaient pas un grand enjeu – si ce n’est celui d’une représentation générale avant les élections générales prévues en 2016 –, il est clair aujourd’hui que le parti Justice et Développement renforce son emprise au Maroc, dans la société, dans les communes et dans les régions. Mais il va devoir apprendre à faire des compromis avec d’autres acteurs de la vie politique comme le parti de l’Istiqlal (nationaliste) ou le parti Authenticité et Modernité (PAM), proche du Palais – créé pour contrer les islamistes.
Il va y avoir, il me semble, une redistribution locale du pouvoir mais la leçon principale est que les islamistes, avec cette victoire, renforcent leur implantation au Maroc.

Cette victoire représente-t-elle une menace pour la monarchie marocaine ?
Absolument pas. Depuis 2011, les islamistes n’ont pas arrêté de tenter, au contraire, de rechercher le compromis – plutôt que d’affronter la monarchie. Ils sont conscients de ce qu’il s’est passé autour d’eux depuis cette date et des grands mouvements populaires dans le monde arabe. Le PJD et le Premier ministre Abdelilah Benkirane, qui est un politicien extrêmement habile, sont dans la recherche du dialogue et ne cherchent absolument pas l’affrontement avec le Palais. Il ne me semble pas que cette victoire soit une menace, ni pour la monarchie, ni pour la stabilité au Maroc.

La gauche marocaine peut-elle augmenter son influence dans le système politique alors qu’elle hésite entre la participation et le boycott aux différentes élections ?
La gauche marocaine est encore en convalescence, elle ne s’est pas encore remise de cette terrible défaite de 2011 où elle a quasiment été éliminée du paysage politique marocain suite à deux décennies d’égarement, de rapprochement et de recul. Les socialistes ont également été associés, d’une manière ou d’une autre, au long règne d’Hassan II et à certains gouvernements. L’électorat marocain leur a beaucoup reproché cela, ainsi qu’une forme de corruption des élites, notamment du parti de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), que les socialistes ont payé cher.
Ils ne sont pas encore prêts à se reconstituer politiquement, il faudra qu’ils le fassent, regagnent de la crédibilité et retrouvent un vrai programme avant de pouvoir envisager de se représenter en bon ordre de bataille devant les électeurs marocains.
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