ANALYSES

Chine-Etats-Unis : un accord historique sur le climat ?

Interview
13 novembre 2014
Le point de vue de Bastien Alex

En quoi l’accord sur le climat conclu entre la Chine et les Etats-Unis est-il historique ? Est-il de bon augure en vue de la Conférence Paris Climat (COP 21) ?


Si cet accord peut être considéré comme historique, c’est par son caractère inédit. Jamais la Chine et les Etats-Unis, respectivement premier et deuxième émetteurs de gaz à effet de serre au niveau mondial, ne s’étaient affichés côte-à-côte pour évoquer des objectifs de réductions de leurs émissions de gaz à effet de serre (avec un pic d’émission annoncé « autour de 2030 » pour Pékin et une réduction de 26% à 28% d’ici 2025 par rapport à 2005 pour Washington). Il constitue de ce point de vue un signal positif à quelques semaines de la conférence de Lima et à un an de celle de Paris, et envoie un message diplomatique de bonne volonté, certes limitée, mais notable.


Quels résultats effectifs peut-on attendre de cet accord ? Les objectifs affichés par les parties sont-ils tenables ?


Si signal positif il y a, il convient de tempérer tout excès d’enthousiasme. Nous l’avons vu, certains sénateurs américains tels Mitch McConnell, le futur leader de la majorité républicaine au Sénat, se sont empressés de dénigrer le comportement du président Obama et de critiquer le texte, ce qui confirme, si nécessaire, qu’un accord international contraignant ne survivrait pas à un examen du Congrès fraîchement élu. Cet accord pourrait en revanche rentrer dans le cadre des objectifs pris par les Etats-Unis à Copenhague et donc éviter le Congrès. Côté chinois, il faut dire que les objectifs affichés prévoient une inflexion des émissions « autour de 2030 », ce qui est vague mais surtout significatif. Car si l’on considère le rythme de croissance des émissions chinoises prévu, cela veut dire que, en poursuivant ses rejets dans l’atmosphère pendant quinze ans, la Chine enterre définitivement l’objectif de limiter la hausse des températures à 2°C. Ce qui n’est pas une bonne nouvelle, même si plus personne n’y croit véritablement depuis la conférence de Copenhague en 2009. De plus, rappelons qu’il s’agit d’engagements nationaux, qui ne seront donc contrôlés que par les gouvernements.


Cet accord augure-t-il la fin du principe de « responsabilités communes mais différenciés », défendu jusqu’à maintenant par les autorités chinoises ?


Non car d’une part, il prévoit bien un régime spécial d’émissions jusqu’en 2030 pour la Chine, ce qui impose une différentiation vis-à-vis des pays européens par exemple. Ce qui est étonnant dans la stratégie de Pékin, c’est que la Chine avait plutôt cherché ces derniers temps à se rapprocher des pays en développement, dont certains l’avaient beaucoup critiqué du fait de la forte croissance de ses émissions. Fâchée d’être associée aux pollueurs et pour contrer cette critique, la Chine pointait du doigt, avec une véhémence renouvelée depuis quelques temps, l’absence d’engagements financiers – éminemment critiquable par ailleurs – des pays développés pour doter le Fonds vert pour le climat et soulignait leur responsabilité historique. Par cet affichage avec les Etats-Unis, ancien premier émetteur, et la formulation d’engagements, elle affiche une nouvelle position et exprime enfin un objectif chiffré, en complément de ceux qu’elle se fixait en termes de réduction de l’intensité carbone de sa croissance. Il va maintenant être intéressant d’observer comment vont réagir les autres pays dont on attend les contributions à l’effort de réduction dans les mois à venir. Chine et Etats-Unis viennent d’ouvrir le bal diplomatique mais rien n’est encore fait pour 2015.

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