ANALYSES

Affaire G. Zimmermann : la question raciale au centre du procès ?

Interview
15 juillet 2013
Le point de vue de
George Zimmerman, un garde bénévole qui avait tué un adolescent noir en 2012 en Floride, a été acquitté samedi soir du meurtre par un jury de six femmes, procès alourdi par une polémique sur le racisme. Comment expliquer la réaction des journaux américains qui a jugé ce verdict de « désespérant » et l’indignation de milliers d’Américains ?
Depuis février 2012, le procès a fait l’objet d’un éclairage médiatique très important soulignant la crainte permanente d’une justice qui pourrait se montrer raciste, l’affaire opposant un hispanique blanc à un jeune noir. Ce procès n’est pas sans rappeler ceux des années 50 et en particulier celui d’Emmett Till, un jeune homme de 14 ans qui, en 1955, avait été sauvagement frappé et battu à mort pour avoir apparemment tenté de séduire la compagne d’un blanc. Le coupable avait été acquitté par la justice américaine. La crainte que ce procès ne rappelle les heures sombres de la ségrégation raciale n’a cessé de croître. L’émotion populaire a pu se faire ressentir lors du verdict, même si celui-ci n’a présenté aucune surprise, les défenseurs de Trayvon Martin ayant éprouvé de nombreuses difficultés lors du procès. Les avocats de Zimmerman ont donc réussi à imposer l’idée qu’il n’y avait eu aucun motif racial dans les coups de feu qu’avaient tiré Zimmerman mais que ce dernier s’était senti agressé et menacé par un jeune, sans jamais précisé sa couleur de peau.

Obama a reposé la question du contrôle des armes à feu dans son appel au calme. Qu’en est-il du débat à ce propos ?
La réaction d’Obama était effectivement très attendue puisque ce dernier avait pris parti en mars 2012 en exprimant sa profonde tristesse, quelques jours seulement après l’assassinat de Trayvon Martin. Dans sa dernière déclaration, il s’est évidement abstenu de toute critique sur le jugement rendu, évoquant seulement la question du port des armes. En réalité, celle-ci n’est pas centrale dans l’affaire Zimmerman. En revanche, la question d’une loi votée en 2005 en Floride et qui, malgré une application sensiblement différente fonctionne dans la moitié des Etats américains (25 sur 50), se présente comme essentielle pour comprendre le procès de Georges Zimmermann. Cette loi, qu’on appelle la Stand your ground law , autorise tout individu qui se sent menacé à utiliser une arme. C’est cette question-là qu’aurait dû évoquer le Président américain dans sa déclaration. Néanmoins, le sujet du port des armes reste depuis toujours une question très sensible aux Etats-Unis en particulier depuis la tuerie de Newton en décembre dernier. De plus, Obama a échoué à faire passer une loi importante qui aurait pu permettre de contrôler davantage l’usage des armes à feu.
L’application de la Stand your ground law en 2005 a entraîné une augmentation des actes dit « de légitime défense ». C’est exactement ce que les Américains redoutent le plus : la multiplication d’affaires comme celle de « Georges Zimmermann », et une forme d’impunité pour les individus responsables de ce type de crimes.

Cette affaire révèle-t-elle une société américaine encore et toujours fragilisée par la question raciale ?
C’est intéressant, puisque le 21 juin dernier, la Cour suprême des Etats Unis par 5 juges contre 4 a considéré qu’il fallait revenir sur les articles 4 et 5 du Voting Rights Act de 1965, loi qui visait notamment à empêcher les Etats du Sud d’émettre des conditions tellement difficiles pour le vote qu’elles en excluaient les minorités raciales. Saisie par des comités sudistes, la Cour suprême a estimé que cette loi n’avait plus lieu d’être, la ségrégation raciale ayant théoriquement disparue. Or, quelques temps plus tard, le verdict Zimmerman donne l’impression que cette question raciale est toujours d’actualité. Les nombreuses manifestations dans le pays qui réclament « Justice for Trayvon » comptant essentiellement des membres des minorités afro-américaines. Pour résumer, si beaucoup ont évoqué après l’élection de Barack Obama l’entrée dans une « ère post-raciale » de la société américaine, il semble qu’il reste encore du chemin à parcourir.