ANALYSES

Bachar al-Assad et sa proposition de « solution politique » : un aveu de faiblesse ?

Interview
7 janvier 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
Comment doit-on interpréter la proposition du président Bachar al-Assad de rechercher une “solution politique” au conflit syrien après plusieurs mois de silence? Est-ce un aveu de faiblesse, un leurre ?
Bachar al-Assad, depuis le début des protestations, annonce des réformes et sa volonté de dialogue tout en pratiquant une répression de plus en plus intensive. Sa prestation d’hier est dans la continuité de cette stratégie. On peut même dire qu’il a été moins loin dans ses propositions de dialogue -qui sont toujours demeurées illusoires- que les fois précédentes. Il a fait une déclaration surréaliste, en plein déni de réalité. Sa dénonciation du complot de l’étranger ou du terrorisme qui seraient à l’origine des maux dont souffre la Syrie est le propre des régimes qui refusent toute ouverture politique. De toute façon, il est trop tard : l’opposition ne peut plus accepter de négocier avec lui du fait de la durée et de l’ampleur de la répression.

Le bilan humain du conflit syrien fait état de 60 000 morts en 21 mois. N’est-ce pas le symbole patent de l’impuissance de la communauté internationale à résoudre les conflits ?

Jusqu’ici les estimations étaient de 40 000 morts et étaient déjà énormes. On les estime désormais à 60 000, ce qui donne le vertige. Au-delà du nombre déjà important, il faut prendre en considération la cruauté de certains sévices infligés à la population civile par les milices de Bachar al-Assad. Certes celles-ci n’ont pas le monopole des violences. L’opposition armée a également commis des exactions. Il faut les dénoncer. Mais on ne peut pas faire une balance égale entre les deux car c’est bien le président syrien qui a choisi de transformer en guerre civile ce qui était à l’origine une révolution pacifique, et ce sont bien ses troupes qui sont responsables de la majorité des victimes civiles. Peut-on parler d’un échec de la communauté internationale ? Sans doute. Mais plus encore, il faudrait parler de son inexistence puisque les grandes puissances ne sont pas parvenues à une analyse commune de la situation.

La résolution du conflit par les armes est-elle inévitable? Qui est aujourd’hui en train de gagner la guerre ?
Il faut le constater tout en le regrettant : dans un premier temps, ce conflit devra d’abord avoir une issue militaire. Il est parfaitement illusoire de penser que Bachar al-Assad pourra restaurer sa pleine autorité sur le pays. Il a trop perdu de terrain et il ne pourra le regagner. Il ne pourra pas vaincre militairement l’opposition armée. Il est trop tard pour qu’une solution négociée entre lui et l’opposition puisse être mise en place. A terme, le président syrien va perdre le pouvoir. Le problème est qu’on n’en connaît pas la date et que beaucoup de sang coulera encore d’ici-là. Mais lorsque l’opposition armée l’aura renversé, il faudra mettre en œuvre une solution politique qui garantisse le droit à toutes les communautés de la Syrie.
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