ANALYSES

Espagne : pourquoi la colère monte

Interview
27 septembre 2012
Comment peut-on expliquer l’ampleur de la manifestation des Indignés et leurs violents heurts avec la police ce mardi ?
Les manifestations qui ont eu lieu à Madrid ont effectivement été anormalement violentes pour l’Espagne. Tout le monde se demandait quand et à quel moment les Espagnols, qui sont très mécontents de la politique d’austérité de leur gouvernement depuis deux ans, allaient réagir. Et de fait jusqu’ici les Espagnols ont manifesté leur mécontentement face à l’austérité, la baisse des salaires, la baisse des prestations sociales, la montée du chômage, mais étaient restés relativement calmes. Depuis mardi, ce n’est plus le cas : les Espagnols se comportent désormais comme les Portugais ou comme les Grecs.

Comment interpréter la recrudescence des revendications indépendantistes en Catalogne ?
La Catalogne est en crise comme le reste de l’Espagne. Sauf que la Catalogne n’est pas Madrid. Il y a une situation spéciale qui est celle du fait différentiel linguistique et culturel catalan. Il se trouve que depuis plusieurs années les Catalans revendiquent une autonomie plus importante qui, jusqu’ici, n’a pas pu fonctionner, ayant été rejetée par le Parlement espagnol et par les électeurs de l’ensemble de l’Espagne. Ce sujet de mécontentement est ressorti à l’occasion de la crise notamment parce que la majorité nationaliste actuellement au pouvoir en Catalogne a elle aussi pratiqué une politique d’austérité et paradoxalement a fait appel à un parti centraliste, le parti qui est actuellement au pouvoir à Madrid, le parti populaire, pour essayer de trouver une solution à ses problèmes financiers. Le président actuel et cette majorité là ont choisi le saut en avant vers l’indépendantisme pour éviter de voir leur pouvoir et leur légitimité remis en cause par les électeurs. Il y a une dissolution du parlement catalan, une élection qui a été annoncée pour le 25 novembre dans un contexte où les sortants veulent déplacer le débat des questions économiques et sociales vers celle de l’indépendance.

Comment le gouvernement gère-t-il la crise économique et les mouvements contestataires ?
Pour l’instant le gouvernement espagnol ne fait pas preuve d’une plus grande originalité que les gouvernements des autres pays européens qui se trouvent en situation de crise. Il répond positivement aux demandes venues d’Allemagne et de Bruxelles, en pratiquant une politique d’austérité maintenue. Sur les revendications, il fait le dos rond ou il envoie, comme on l’a vu hier à Madrid, des forces de police pour rétablir l’ordre dans les rues. Est-ce que cette situation sera tenable à terme ? On peut se poser des questions au vu de ce qui s’est passé dans d’autres pays qui connaissent des situations similaires comme c’est le cas de la Grèce ou du Portugal.