ANALYSES

Pourquoi une nouvelle résolution du Conseil de sécurité contre l’Iran ?

Tribune
11 juin 2010
La résolution 1929 appelle aussi tous les pays à coopérer dans le cadre d’inspections de cargos, si des « motifs raisonnables » laissent supposer qu’un navire peut contribuer au programme nucléaire iranien. Elle liste également des responsables des Gardiens de la Révolution ou des personnalités iraniennes impliquées dans le programme nucléaire et limite leurs déplacements à l’étranger.

L’efficacité de ces sanctions est relative. Une enquête du New York Times , cité par Le Monde (6 juin 2010), montre à quelles techniques l’Iran a recours pour contourner cet embargo. Sur les 123 navires iraniens de commerce répertoriés, seuls 46 appartiennent encore officiellement à la compagnie iranienne. Quatre ont été sabordés et les 73 restants sont désormais inscrits comme détenus et exploités par un réseau de sociétés écrans qui s’étendent à travers l’Europe et l’Asie dans des endroits comme Malte, Hongkong, Chypre, l’Allemagne ou l’île de Man (Grande-Bretagne). « L’Iran garde une longueur d’avance sur ses poursuivants. Ce jeu du chat et la souris prouve les difficultés de l’application des sanctions » , commente le quotidien américain.

Les sanctions les plus pénalisantes pour l’Iran sont celles bilatérales imposées par les pays européens dans le domaine financier. Plus de 40 établissements financiers, notamment européens, ont réduit leurs activités en Iran. Même si l’Iran se tourne de plus en plus vers les institutions financières islamiques et des banques asiatiques, le pays souffre de la réduction des investissements européens dans son secteur pétrolier.

Cette quatrième résolution a été adoptée alors que pour la première fois après six ans de pourparlers et trois résolutions du Conseil de sécurité imposant des sanctions à l’Iran, on a constaté une ouverture de la part des Iraniens. En octobre dernier, les Etats-Unis, la France et la Russie ont proposé à l’Iran d’échanger une grosse partie de son uranium enrichi à 3,5 % contre des combustibles (uranium enrichi à 20 %) pour la recherche médicale dans un réacteur qui fonctionne à Téhéran depuis plus de 20 ans. Tout en acceptant cette proposition, l’Iran exigeait un échange simultané de l’uranium sur son territoire.

Pourtant, l’Iran se déclare prêt à envoyer en Turquie 1.200 kg de son uranium faiblement enrichi dans le cadre d’un échange pour obtenir du combustible pour son réacteur de recherche. L’accord entre l’Iran, le Brésil et la Turquie signé le 17 mai 2010, à Téhéran a été considéré comme « une avancée positive » par Ban Ki-Moon, comme « un développement potentiellement positif » par James Stavridis, le commandant en chef de l’OTAN en Europe. Pourtant, au lendemain de cet accord, les Etats-Unis ont déposé un projet de résolution contre l’Iran.

Pourquoi « les grandes puissances » n’ont-elles pas saisi cette occasion pour relancer la négociation avec l’Iran ? Certains observateurs estiment que l’initiative du Brésil et de la Turquie est d’une grande portée historique étant donné qu’elle inaugure une diplomatie sud-sud qui se développe hors des tribunes onusiennes. Dénonçant la résolution adoptée par le Conseil de sécurité, le Président Lula conteste la composition actuelle de ce Conseil qui, selon lui, reflète le rapport de force datant de 1948.

La réaction officielle est virulente. L’Iran a annoncé qu’il ne négocierait plus avec le groupe 5+1. Mais, c’est la réaction de la société iranienne qui attire l’attention. Toute la classe politique, y compris les opposants ont dénoncé unanimement ces nouvelles sanctions. En effet, les opposants réformateurs dénoncent la façon dont Ahmadinejad se comporte sur le dossier nucléaire, mais personne en Iran ne conteste le programme nucléaire et l’enrichissement de l’uranium que les Iraniens ont acquis « seuls ». Le programme nucléaire civil est la seule cause qui rassemble la nation. Les « grandes puissances » en sont conscientes et c’est la raison pour laquelle la résolution du Conseil de sécurité ne préconise ni des sanctions contre le pétrole iranien, ni d’intervention militaire contre ce pays.

Pourquoi les Etats-Unis et l’Europe n’ont-ils pas réservé un accueil favorable à l’accord tripartite Iran-Brésil-Turquie, lequel répondait en grande partie à leur demande formulée 6 mois plus tôt ?

La réalité est que l’Occident ne souhaite pas voir l’Iran émerger comme une puissance régionale et jouer un rôle politique dans une région qui est vitale pour les intérêts américains et européens. Au-delà des soupçons sur la finalité du programme iranien et le souci légitime d’empêcher la prolifération nucléaire, ce dossier est éminemment politique. C’est la raison pour laquelle, ceux qui sont en faveur d’une position encore plus ferme contre l’Iran arguent de l’inexistence de démocratie. Cet argument sur ce dossier n’est pas recevable. Même un Iran démocratique ne pourrait pas avoir un projet nucléaire à des fins militaires.