« La révolution féministe en Iran est au bénéfice de toutes et de tous »

  • Chowra Makaremi

    Chowra Makaremi

    Chargée de recherche CNRS, Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux

  • Marie-Cécile Naves

    Marie-Cécile Naves

    Directrice de recherche à l’IRIS, directrice de l’Observatoire Genre et géopolitique

MARIE-CÉCILE NAVES : En quoi le féminisme intersectionnel est-il un outil très utile pour comprendre la révolution en cours en Iran ?

CHOWRA MAKAREMI : C’est la première fois qu’un mouvement populaire, en Iran, est propulsé par les féministes. C’est important de le souligner. Or, si l’on regarde la situation avec attention, il est clair que, contrairement à ce que l’on a pu lire parfois dans la presse française, le féminisme intersectionnel est une grille d’analyse pertinente : il met en évidence la multiplicité des identités et de leurs enjeux selon les contextes. Ainsi, porter le voile peut être un élément d’oppression en Iran et de choix individuel en France. Non seulement les identités ne sont pas figées, mais ce qui vient en premier, ce sont les mécanismes de domination et précisément, le féminisme intersectionnel fournit une approche qui permet de mobiliser des théories pertinentes pour chaque forme de domination, pour concevoir comment la vie est régie par des rapports avec des États. De fait, quel est le rapport entre la société et l’État en Iran ? C’est un État moderne depuis les années 1920, qui s’est construit sur ce point comme la Turquie, avec une administration jacobine, une méritocratie universitaire, et qui a mis en place un système de domination sur les individus. De plus, depuis 1979, c’est une théocratie nourrie par une idéologie islamiste…