ANALYSES

Brésil : y aura-t-il un effet Biden aux élections municipales du 15 novembre prochain ?

Tribune
12 novembre 2020
 


Douze jours après les présidentielles aux États-Unis, les Brésiliens renouvellent leurs 5568 conseils municipaux. La consultation est suivie de près par les états-majors politiques. Tous ont deux préoccupations. Préparer le rendez-vous présidentiel local de 2022. Digérer le contrecoup de la victoire du démocrate Joe Biden aux États-Unis.

Les électeurs, bousculés par la crise sanitaire du coronavirus et ses séquelles économiques et sociales, vont donner le ton et le cap. Le Brésil est l’un des pays les plus affectés par la pandémie. Il frise à la mi-novembre la barre des 150 000 victimes. Ses marchés extérieurs mal en point ont réduit leurs achats. Les touristes étrangers ont disparu, le portefeuille et le moral de la population sont touchés. Les sondages en témoignent. Celui de la revue ‘’Exame’’, de début novembre signale une perplexité, avec 37% d’indécis et 6% qui ne savent pas quoi répondre. Dans 15 des 26 chefs-lieux d’États, selon les enquêtes de l’institut Ibope, confirmées par son concurrent Datafolha, le gouvernement de Jair Bolsonaro a perdu plusieurs points de notoriété.

Une mauvaise nouvelle ne vient jamais seule, dit la sagesse populaire. Et, en effet, la victoire présidentielle du candidat démocrate aux États-Unis a laissé sans voix Jair Bolsonaro. Avec Donald Trump, il perd plus qu’un allié, un référent idéologique. Tout comme Recep Tayyip Erdogan, Vladimir Poutine, Andres Manuel Lopez Obrador, Jair Bolsonaro n’avait toujours pas le 10 novembre félicité le vainqueur. Alors que Joe Biden a déjà annoncé un tournant écologique, le retour de Washington dans l’Accord de Paris va très vite interpeller le laisser-aller environnemental brésilien.

Les nuages s’accumulent au-dessus de Planalto (le palais présidentiel brésilien). Le 15 novembre sera-t-il pour autant porteur d’espoir pour les oppositions ? 73 % des électeurs selon le sondage Ibope, signalé supra, se disent mobilisés par la consultation. En dépit du coronavirus qui ne préoccupe que 3% d’entre eux. Dans les bastions traditionnels de la gauche au nord et au nord-est du pays, le taux des indécis dépasse la moyenne nationale de 37%, pour atteindre 40 et 45% des catégories les plus modestes (D et E).

Il est vrai que les oppositions n’offrent pas d’alternative attrayante. Il n’y a pas au Brésil de force partisane en capacité de mobiliser malaise et mécontentement. Il n’y a pas de parti démocrate, mais une gauche fragmentée et en concurrence, avec un Parti des travailleurs (PT) qui peine à remettre en question son hégémonie d’avant-hier, et les autres, du Parti démocratique travailliste (PDT) à Rede, en passant par le Parti socialiste brésilien (PSB), ou le Parti socialisme et liberté (PSOL) qui se voient en situation de tondre la laine au mouton travailliste. Les droites hésitent entre intérêts locaux, corporatistes, accords possibles avec une partie de la gauche, et réaménagement de la majorité présidentielle.

Ce scénario de la confusion favorise, le 15 novembre, la perpétuation des maires sortants. À l’exception notoire de Rio de Janeiro et de São Paulo. Sur un fond de bolsonarisme « social ». En effet, la mise en place d’un revenu minimal universel, effet inattendu de la pandémie, amortit d’éventuels soubresauts électoraux. Toutes choses qui vont sans doute permettre aux différents clans présidentiels de négocier sans trop de casse la tuile Biden tombée des États-Unis. Le Brésil, a déclaré Ernesto Araujo, ministre des Affaires étrangères, tête de file des « idéologues » sur le ton prophétique qui est le sien, doit persévérer dans la ligne Trump, avec ou sans lui. Assumer, selon son propos, un rôle de « paria » international, et, droit dans ses bottes défendre les valeurs chrétiennes et occidentales, lutter contre la « christianophobie ». Les pragmatiques, les technocrates, plus enclins à protéger des intérêts économiques, laissent filtrer la nécessité pour Jair Bolsonaro de trouver un compromis avec le nouveau locataire de la Maison-Blanche. Et donc en signe de bonne volonté de sacrifier les « idéologues », les ministres des Affaires étrangères et de l’Environnement.

Le général Mourao, vice-président, a donné à entendre le 8 novembre que très vite les incertitudes allaient être levées. À l’égard des États-Unis et de Joe Biden, a-t-il dit. Laissant ouverte l’hypothèse d’un bolsonarisme recentré vers une droite d’intérêts, plus que radicale. Cette évolution refléterait ainsi et aussi celle d’un électorat devenu pragmatique, « attendri » par la crise et les malheurs du quotidien, a signalé l’hebdomadaire progressiste Carta Capital, le 31 octobre.
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