Il y a un an, le 5 novembre 2024, Donald Trump remportait l’élection présidentielle pour un nouveau mandat ; 365 jours plus tard, force est de constater que les États-Unis ont basculé dans un régime semi-autoritaire qui fait désormais passer la Hongrie de Viktor Orbán pour un laboratoire d’amateurs.
Le démantèlement systématique des contre-pouvoirs
Commençons par le judiciaire. En juin, la Cour suprême a fortement restreint le pouvoir des juges fédéraux, estimant qu’ils ne peuvent plus bloquer les décrets de Trump pour l’ensemble du pays, mais seulement pour les parties directement concernées par l’affaire devant les tribunaux. Cette révolution constitutionnelle est en train de transformer la séparation des pouvoirs en une théorie quasi obsolète.
Les universités capitulent l’une après l’autre face aux menaces financières. Columbia, après s’être couchée, a accepté de placer plusieurs départements sous « tutelle académique ». Trump s’en prend au National Museum of American History, reprochant à ses expositions de donner l’impression que « tout était horrible dans l’esclavage ». Cette réécriture de l’histoire se poursuit méthodiquement – et devrait s’intensifier à l’approche du 250e anniversaire de l’indépendance : manuels scolaires, commémorations officielles, programmes télévisés…
Les médias audiovisuels sont fermés ou domestiqués. Stephen Colbert sera privé d’antenne. Les journalistes et médias critiques font face à des poursuites judiciaires – la dissidence a un coût.
Plusieurs agences fédérales – environnement, santé publique, diversité et inclusion – ont été fermées ou vidées de leur substance, dans un silence presque total.
Le « mouvement » antifa est désormais officiellement considéré comme une organisation terroriste. Mais de quel mouvement parle-t-on, au juste ? Et que signifie être « antifa » ? Être opposé au fascisme fait-il donc d’un citoyen un terroriste ? Aux yeux du pouvoir, la réponse est visiblement oui.
Dans l’Amérique de Trump, refuser l’autoritarisme suffit à vous faire classer parmi les ennemis de l’État. Mes amis du magazine The Nation ne sont-ils pas désormais dans la ligne de mire du gouvernement, comme l’a sous-entendu lui-même le vice-président J.D. Vance ?
La militarisation de l’Amérique
L’été 2025 a marqué un tournant avec le déploiement systématique de la Garde nationale dans les grandes villes démocrates. Los Angeles d’abord, puis Washington, où l’on croise des tanks à la sortie d’Union Station. Ensuite Portland, Chicago, et probablement bientôt New York après la victoire du « communiste » Zohran Mamdani.
Contrairement aux déploiements passés, motivés par des troubles réels, la Garde nationale est ici envoyée préventivement – pour intimider, pour rappeler qui détient le monopole de la violence.
2026 : des élections à la russe ?
La grande question est désormais celle des élections de mi-mandat prévues en novembre 2026 : l’administration actuelle est-elle prête à accepter une possible déroute ?
Donald Trump demeure le seul président américain à avoir tenté un coup d’État. Le 6 janvier 2021, il a voulu empêcher par la force la certification de sa défaite. Isolé, lâché par son propre camp, il a échoué : c’est son vice-président, Mike Pence, qui a tenu bon.
Aujourd’hui, la situation est radicalement différente. Trump est suivi comme un seul homme par les républicains. J.D. Vance est un admirateur assumé de Curtis Yarvin, théoricien qui a déclaré : « Si les Américains veulent changer leur gouvernement, ils vont devoir surmonter leur phobie des dictateurs. »
Mais au-delà du respect du verdict, c’est en amont que le processus électoral est déjà vicié. Le redécoupage électoral opéré ces derniers mois donne un avantage structurel au Parti républicain. Le vote par correspondance a été supprimé dans plusieurs États clés, alors qu’il bénéficiait historiquement aux démocrates. Des lois imposent désormais des pièces justificatives complexes pour rester inscrit sur les listes électorales.
Ce sont des élections à la Poutine qui pourraient nous attendre : non pas ouvertement truquées, mais méthodiquement encadrées pour en contrôler l’issue.
Les faits de cette année laissent peu de place à l’illusion. Un président qui admire Poutine, Xi Jinping, voire Kim Jong-un, qui à l’intérieur concentre les pouvoirs et à l’extérieur multiplie les gestes d’agression – jusqu’à évoquer l’annexion par la force du Groenland ou « l’union inévitable » avec le Canada. Ce président-là accepterait-il vraiment de partager le pouvoir après les élections de mi-mandat ?
Un an après la seconde élection de Trump, les États-Unis ont franchi un Rubicon. Ce qui paraissait impensable hier devient la norme aujourd’hui. Chaque jour entérine une nouvelle régression, chaque semaine repousse les limites de l’acceptable. Le pays glisse non pas dans un chaos désordonné, mais dans une autoritarisation méthodique, minutieuse, efficace.
Face à cette dynamique, les élections de mi-mandat suscitent, chez les plus lucides, moins l’espoir d’un vrai redressement démocratique que la crainte d’un point de non-retour.
