Le duel pour la première place mondiale entre les États-Unis et la Chine est incontestablement l’élément le plus structurant pour la géopolitique des prochaines décennies. La perception d’une Chine comme étant le défi majeur que les États-Unis doivent relever est l’un des très rares sujets de consensus entre démocrates et républicains aux États-Unis.
Donald Trump s’est voulu beaucoup plus vocal sur le sujet que Joe Biden ou Kamala Harris, présentés par l’actuel président comme des candidats faibles vis-à-vis de Pékin. Parviendra-t-il à contrer la montée en puissance de la Chine et à maintenir la suprématie américaine ? Il pourrait plutôt finir son mandat dans une situation moins favorable pour Washington, face à Pékin, qu’elle ne l’était au début.
Donald Trump parvient très bien à dominer ceux qui se montrent faibles à son égard, comme ses alliés européens ou asiatiques, mais il est plus dépourvu lorsqu’on lui oppose une contre-force et qu’on ne cède pas à ses pressions. C’est exactement ce qu’a fait la Chine dans la guerre commerciale que Donald Trump a voulu lancer contre elle. Le président des États-Unis est parvenu à obtenir des accords inégaux avec ses alliés asiatiques et européens, il était obligé de céder face à Pékin. Lui qui déteste rester longtemps à l’étranger a été contraint d’allonger d’une journée son séjour en Asie pour obtenir un sommet avec Xi Jinping le 30 octobre dernier.
Washington et les apparences, Pékin et la substance
Ce dernier avait répondu aux menaces de Washington de taxer les produits chinois à 100 % par une menace identique et il a fait céder Donald Trump en agitant le bâton et la carotte. La carotte, c’était l’achat de soja par la Chine, essentiel pour les fermiers américains, électeurs de Donald Trump. La Chine est de toute façon importatrice de produits alimentaires. Le bâton, c’était les terres rares dont la Chine détient 62 % des réserves mondiales et 92 % des capacités de raffinage. Il a suffi de menacer d’inclure une clause d’extraterritorialité dans les exportations chinoises pour faire céder Donald Trump.
Si Donald Trump multiplie les déclarations triomphalistes, les Chinois préfèrent avoir le succès modeste. Washington privilégie les apparences, Pékin, la substance. La société chinoise est par ailleurs plus unie que la société américaine, en partie du fait du caractère autoritaire du régime, mais également grâce à l’adhésion majoritaire des Chinois à un système qui les a sortis de la misère et restauré la fierté nationale.
La Chine ne suivra pas les États-Unis dans la course aux armements, elle a compris que c’est cette erreur qui a conduit l’URSS à imploser. Mais elle ne se laissera pas pour autant distancer. Sur Taïwan, Donald Trump se montre beaucoup plus accommodant que Joe Biden, qui faisait de la défense de l’île une priorité. La notion d’alliance ou de solidarité entre démocraties n’est pas un principe cardinal chez Donald Trump.
Cela a été assez peu noté par les observateurs, mais l’administration Trump aurait refusé en juillet 2025 d’accorder un visa au président taïwanais pour qu’il puisse se rendre dans les quelques États d’Amérique centrale qui reconnaissent encore l’île. Une concession faite à Pékin.
Chine, superpuissance
Dans le domaine de l’intelligence artificielle et du numérique, la rivalité sino-américaine bat son plein et les BATX ne sont pas inférieures aux Gafam. Mais de façon surprenante, c’est sur deux autres domaines que la Chine est en train de marquer son ascendant : le soft power, où on ne l’attendait pas, et l’énergie propre. Au moment où la lutte contre le réchauffement climatique s’impose comme un enjeu majeur, Pékin y voit un moyen de marquer des points face à un Donald Trump climatosceptique. La Chine est en train de devenir le principal fournisseur de moyens de production d’énergie verte.
En effet, après avoir longtemps été rétive à la protection de l’environnement, la Chine a pris le tournant de l’énergie verte à la fois pour satisfaire une population qui se plaignait de la pollution, et pour y trouver une nouvelle source de développement économique. Elle est en train de devenir une superpuissance, celle qui peut donner au reste du monde les moyens de produire une énergie propre et bon marché. Or même les pays qui ne s’estiment pas concernés par le changement climatique sont désireux de produire de l’énergie à faible coût.
Pour ce qui est du soft power, autrefois l’arme fatale des États-Unis et le talon d’Achille de la Chine, les tendances s’inversent. La brutalité de Donald Trump et sa xénophobie affichée viennent plomber l’attractivité des États-Unis. La Chine joue, elle, le rôle de partenaire fiable, stable et prévisible. Elle poursuit son programme de nouvelles routes de la soie quand Washington ferme l’USAID. Pékin multiplie les instituts Confucius et l’accueil d’étudiants étrangers quand Donald Trump leur ferme la porte. Make China Great Again semble être le résultat involontaire de la politique de Donald Trump.
Tribune publiée par La Croix.
