Cette libération de Boualem Sansal, facilitée par Berlin, marque-t-elle un succès diplomatique allemand ?
C’est un ensemble. Oui, la médiation allemande a été très positive et efficace. Mais il faut relativiser : elle s’est faite en réaction à la demande française. Par ailleurs, dans le contexte de dégradation des relations franco-algériennes et de la quasi-rupture des relations entre les deux pays, il était naturellement difficile pour la France de faire valoir une libération ou d’être écoutée côté Alger. Il était difficile pour la France d’être écoutée côté Alger.
On a quand même l’impression que les relations entre la France et l’Algérie s’étaient apaisées…
Oui, il faut rappeler que depuis quelques mois, avec le départ de Bruno Retailleau(nouvelle fenêtre) du ministère de l’Intérieur, qui a joué un rôle très néfaste à mon sens sur les relations bilatérales, on observe un climat différent, plus favorable. La politique du chantage n’a fait qu’exacerber les tensions et pousser Alger à plus de durcissement, voire à des mesures de rétorsion. On a entendu récemment le ministre de l’Intérieur et le chef des renseignements dire qu’il y a des signaux de reprise de dialogue. Ce climat de désescalade a été très favorable à la libération de Boualem Sansal.
L’Allemagne semble aujourd’hui jouer un rôle plus important dans la région. Comment expliquer ce rapprochement avec Alger ?
Les relations entre l’Algérie et l’Allemagne ont depuis un moment été bonnes, ça ne date pas d’aujourd’hui. L’Allemagne représente par exemple 10 % des importations d’armement d’Alger. C’est le troisième fournisseur de l’Algérie après la Russie et la Chine. Et depuis la guerre en Ukraine, l’Allemagne, très dépendante du gaz russe(nouvelle fenêtre), est dans une tentative de se rapprocher de pays comme l’Algérie, notamment sur les questions énergétiques. L’Allemagne est dans une tentative de se rapprocher de pays comme l’Algérie sur les questions énergétiques.
Au détriment de la France ?
Tout à fait, et on le voit dans les faits : la France a perdu des marchés en Algérie, ne serait-ce que le blé, par exemple. L’Algérie a toujours été le premier importateur de blé français, jusqu’à il y a deux ou trois ans. On voit donc une dégradation concrète des relations, et un glissement de l’Algérie du côté de l’Allemagne et de l’Italie.
Quel est l’intérêt, pour Alger, de miser sur ce rapprochement avec Berlin ?
Il y a plusieurs choses. D’abord, l’accès au marché européen qui est encore aujourd’hui le premier client du gaz et du pétrole algérien, et dont l’Allemagne fait partie. Et sur le plan diplomatique, l’Allemagne, qui est un des pivots de l’Union européenne, peut jouer un rôle favorable à une coopération plus équitable du point de vue algérien. Avoir comme partenaires deux des trois plus grandes puissances européennes, l’Italie et l’Allemagne, c’est évidemment un atout pour Alger.
Propos recueillis par Aymen Amiri pour TF1.
